Les raids meurtriers de ces avions sans pilotes, armés de missiles et télécommandés depuis les Etats-Unis, sont devenus la hantise des jihadistes. La multiplication des attaques de drones américains en Irak ou dans les zones tribales pakistanaises force Al Qaîda à adapter ses tactiques, mais ne semble pas l'empêcher d'agir, estiment témoins et analystes. Les raids meurtriers de ces avions sans pilotes, armés de missiles et télécommandés depuis les Etats-Unis, sont devenus la hantise des jihadistes cachés dans les déserts irakiens ou dans les régions montagneuses aux confins du Pakistan et de l'Afghanistan. Dans les zones tribales pakistanaises, une centaine d'attaques en un an et demi (dont plus de 20 depuis début 2010) ont tué des centaines de militants, mais aussi, selon des responsables militaires pakistanais, de nombreux civils. Ces attaques «représentent l'opération la plus agressive dans laquelle la CIA a été impliquée de toute son histoire», a assuré mercredi dans le Washington Post, le directeur de la centrale américaine, Leon Panetta. «Ces opérations empêchent sérieusement Al Qaîda de fonctionner», a-t-il ajouté. «Tous nos renseignements concordent: il leur est très difficile de maintenir un système de commandement (...) Nous les avons mis en déroute». Sur Internet et lors d'interrogatoires devant des juges occidentaux, des jihadistes ont évoqué la peur que leur inspire cet ennemi invisible et implacable. «Ils peuvent suivre nos mouvements et prendre des photos de jour comme de nuit», avertissait récemment, dans une vidéo mise en ligne, un membre d'Al Qaîda en Irak. Des volontaires occidentaux arrêtés, ont confié que les entraînements se faisaient désormais par petits groupes, rarement plus de dix, que les consignes étaient de rester au maximum à l'intérieur et de se méfier de tout le monde, par crainte des espions. Enlevé et détenu pendant sept mois en Afghanistan et au Pakistan, le journaliste du New York Times David Rohde, a raconté «la présence terrifiante des drones». «Nous pouvions les entendre tourner au-dessus de nos têtes pendant des heures» a-t-il écrit dans le récit de sa captivité. «Ce ne sont que des points dans le ciel, mais leurs missiles portent à des kilomètres. Nous savions que nous pouvions être immolés à tout instant». «Ces raids rendaient les taliban paranoïaques», ajoute-t-il. «Ils croyaient qu'un réseau d'indicateurs guidaient les missiles. Des civils innocents étaient rassemblés, accusés d'être des espions et exécutés». L'expert américain, Peter Bergen, qui étudie au sein de la New America Foundation l'impact de la «guerre des drones» estime «qu'il faut être idiot, si vous êtes un membre d'Al Qaîda, pour rester à attendre dans les zones tribales d'être rattrapé par un missile Hellfire». «Ces zones sûres ne le sont plus. Nous pouvons raisonnablement penser qu'il y a eu (pour les membres d'Al Qaîda) un mouvement de retour vers les grandes villes», ajoute-t-il, en rappelant que les derniers gros poissons capturés l'ont été à Karachi, la mégapole du sud du Pakistan. Même s'ils subissent des pertes, les hommes d'Al Qaîda et les taliban pakistanais ont prouvé qu'ils savaient s'adapter. En deux ans et demi, les taliban pakistanais, qui ont fait allégeance à Al Qaîda, ont été à l'origine d'une vague de plus de 360 attentats-suicide et d'attaques commando qui ont tué plus de 3 100 personnes dans tout le pays. «La campagne des drones a tué un nombre important de chefs et de soldats jihadistes», écrivent Peter Bergen et Katherine Tiedermann dans un rapport de février, intitulé L'année des drones, «mais ces pertes ont clairement été absorbées». «Et l'extension de ce programme n'a pas empêché Al Qaîda et ses alliés de continuer à entraîner des recrues occidentales». Ainsi l'Afghan, vivant aux Etats-Unis, Najibullah Zazi, accusé d'avoir préparé des attentats dans le métro de New York, a-t-il été formé en été 2008 au maniement des armes et des explosifs, malgré la menace des drones.