Le Sommet de la planète a été gigantesque, certes, mais pour le reste... Fallait-il vraiment attendre du Sommet de Johannesburg quelque chose qui soit à la hauteur de la situation précaire où se trouve la terre laquelle demandait et exigeait des décisions en rapport avec les urgences de l'heure? Hélas, les beaux discours des dirigeants de ce monde, - qui ont versé des larmes (de crocodile) sur les pauvres de la planète -, n'ont, à la limite, été que des exercices de style loin de la réalité sur le terrain. Car si dans leurs discours les chefs d'Etat et de gouvernement ont compati sur les conditions alarmantes qui sont celles des pays en développement, leurs délégués, qui planchaient sur le Plan d'action, principal document du Sommet de la terre, se sont montrés plus réalistes en n'engageant leur pays dans aucun objectif précis, ni n'ont accepté de chiffrer ces objectifs ni de leur fixer un calendrier. Il en a été ainsi, pour les énergies renouvelables dont l'accord de compromis a été adopté lundi. Cet accord prévoit «d'accroître substantiellement (et) de façon urgente la part des sources d'énergie renouvelables dans la consommation mondiale». Cependant, ce texte de compromis, très vague, ne fixe ni pourcentage à atteindre ni de termes pour y arriver. L'Union européenne, qui plaçait beaucoup d'espoir dans son projet chiffré, ne cachait pas sa déception alors que les ONG s'indignaient sur un compromis en deçà de toute attente. Ainsi la commissaire européenne à l'Environnement, Margot Wallstroem, s'est dit «déçue par de nombreux aspects du compromis». «Nous savions que ce serait difficile avec une sorte d'alliance entre des groupes qui n'acceptent ni les objectifs ni les calendriers que nous proposons». Pour sa part, le représentant de Greenpeace a déclaré à la presse: «C'est profondément décevant», ajoutant: «On a convoqué un sommet gigantesque, pour accoucher d'une souris, c'est un véritable gâchis.» De fait, ce sommet aura surtout montré que les conditions pour une réelle prise en charge des problèmes récurrents, qui minent le développement intégré de toutes les régions de la planète, n'existent pas, et que les égoïsmes sont encore trop fortement implantés pour permettre un jour au développement durable tant réclamé, d'avoir la chance de se concrétiser. A Johannesburg, c'était chacun pour soi, et les quelques accords et compromis auxquels sont parvenus les délégués ne doivent pas masquer le fait qu'aucun «objectif concret» n'a été matérialisé comme le réclamait l'hôte de la conférence le président sud-africain, Thabo Mbeki. Loin s'en faut, si l'on tient que les propositions avancées étaient très timides et ne répondaient pas à l'urgence de la situation. Ce qui fait que beaucoup de points de l'ordre du jour ont été perdus de vue, les discussions s'étant engluées dans les différends opposant les riches sur les subventions agricoles, et la question du changement climatique. Et ce sont encore les pollueurs, et ceux qui mettent à mal le devenir de la planète, qui ont eu le dernier mot. Car, si le président américain, George W.Bush, n'a pas jugé utile d'honorer de sa présence le Sommet de la terre, en revanche, la délégation américaine était l'une des plus consistantes à Johannesburg et travailla en coulisses à maintenir la pression sur les autres délégations, notamment celles des pays en développement, pour faire obstacle aux projets qui pouvaient mettre en échec les visions américaines sur l'avenir du monde. La non-prise de décisions concrètes concernant l'accès à l'eau potable, à la mise en place de structures d'assainissement adéquates, ( deux points vitaux pour les pays en développement sur lesquels le sommet ne s'est pas vraiment engagé), sur l'environnement, les énergies renouvelables, le climat, entre autres, a déçu les participants d'un sommet qui se voulait exceptionnel. De fait, la conférence s'est surtout astreinte à réunir un consensus qui ne fasse pas trop de vagues. Il fallait sauver le sommet d'un échec, cela a donné des compromis boiteux qui, s'ils satisfaisaient les décideurs de ce monde, restaient en deçà des attentes. Car sur le plan pratique, et sur les demandes des pays en développement singulièrement, le courage de prendre les décisions à contre-courant des intérêts particuliers, indispensables, pour que des milliards d'êtres humains ne restent plus en marge du développement, a terriblement manqué aux dirigeants de la terre. Et c'est sans doute le fait que la postérité enregistrera.