Les jeux d'intérêt prennent quelque peu le pas sur les questions essentielles. Comme il fallait s'y attendre, le Sommet de Johannesburg se heurte de façon frontale au concept du développement durable, dont la vision n'est pas partagée de la même manière que l'on soit au Nord, ou au Sud de l'hémisphère. De fait, les jeux d'intérêt qui tendent à tromper les attentes des uns confortent les réticences des autres, alors que globalement le débat piétine et les conférenciers n'arrivent pas à formaliser une vue d'ensemble tant à propos de la réduction de la pauvreté ou de la préservation des ressources non renouvelables, entre autres. Peut-être bien qu'il était trop attendu d'un sommet où les cartes étaient en vérité faussées dès le départ. De fait, les décideurs de la planète réunis à Johannesburg, non seulement ne tenaient pas le même langage, mais défendaient des intérêts trop divergents, pour ne point dire irréconciliables. Cela, d'autant plus que même les pays industrialisés s'opposent farouchement entre eux sur des questions aussi sensibles que l'aide au développement, les subventions allouées notamment à l'agriculture, sur la biodiversité et les énergies renouvelables, sur les dérèglements climatiques...Les pays en développement, regroupés dans le G77, ne sont pas en reste et avancent des positions qui ne risquaient pas d'avoir l'agrément des pays industrialisés. En 1992, le sommet de la Terre de Rio a produit des grands principes qui, à l'usage, se sont avérés peu efficients et peu en rapport avec la gravité de la situation que vit notre planète. En fait, ce sont les riches qui décident et ce sont encore eux qui appliquent ou non leurs décisions. Ainsi, 1,2 milliard d'hommes, de femmes et d'enfants n'ont pas accès à l'eau potable dans le monde, et ils sont deux milliards à ne pas disposer de structures d'assainissement fiables (évacuation des eaux usées), 1,5 milliard d'entre eux vivent sous le seuil de la pauvreté absolue. Ces chiffres de l'ONU, et de ses organismes spécialisés, sont suffisamment révélateurs de l'indigence où se trouve une large partie de la population mondiale. Cela ne semble pas autrement préoccuper une petite minorité, qui s'accroche à ses privilèges, dilapide, de façon inconsidérée, les ressources de la planète et met en danger l'équilibre d'un monde qui présente aujourd'hui des signes flagrants de dérèglement, comme c'est singulièrement le cas pour le climat. Sur toutes ces questions, le débat s'enlise dangereusement, au moment où il était attendu de chacun des efforts pour contribuer à donner tout son crédit au «plan d'action» de l'ONU. Ce plan s'est assigné comme objectifs prioritaires la réduction de la pauvreté, au moins de moitié à l'horizon 2015, de lutter efficacement contre les pertes de biodiversité, avec l'ambition de créer un véritable élan de sauvegarde de la planète et de donner de vrais espoirs aux laissés-pour-compte. Mais les intérêts étroits et autres enjeux stratégiques faussent quelque peu ces espoirs, même si la communauté internationale, inquiète de ces dérives, donne l'impression de vouloir prendre sérieusement en charge les problèmes de la pauvreté, de la protection de l'environnement, du contrôle des nuisances polluantes...Toutes choses qui demandent l'accord de tous les partenaires. Ce qui ne semble pas évident à Johannesburg, où chacun donne l'impression d'avoir surtout le souci de défendre son petit jardin, et ce, au détriment du grand jardin qu'est la terre. On relève aussi que les Etats-Unis qui n'ont pas signé le protocole de Kyoto, sur le climat, font également cavalier seul sur l'aide au développement en s'opposant à ce que cette aide soit chiffrée. Le groupe des 77 refuse, quant à lui, que la consommation énergétique soit quantifiée, pour que, d'ici à 2015, les énergies renouvelables couvrent au moins 10% de la consommation énergétique, comme le proposent les Européens. Hier, à Johannesburg, les antimondialistes ont organisé des manifestations hostiles au Sommet de la terre dénonçant ce qui apparaît pour eux comme sommet pour et par les riches. Il est vrai que le lieu d'accueil du sommet, Sandton, (dans la banlieue de Johannesburg), apparaît comme une petite ville américaine, «super chic» transplantée à quelques encablures de la misère des townships sud-africains, notamment Alexandra, l'autre banlieue, ou revers de la médaille, de la capitale économique sud-africaine. Selon les organisateurs du sommet, 105 chefs d'Etat ou de gouvernement, prendront part à partir de demain à ce sommet de la terre. 195 Etats sont représentés, rappelle-t-on, à Johannesburg.