Comédien et metteur en scène, Omar Fetmouche, directeur du Théâtre régional de Béjaïa, revient dans un entretien, accordé à L'Expression, sur la situation du 4e art en Algérie et sur les projets en perspectives du TR de Béjaïa. L'Expression: Selon certains, le théâtre algérien vit actuellement une crise. Qu'en pensez-vous? Omar Fetmouche: Le théâtre algérien n'est pas en crise, il est plutôt en train de se rechercher. Abstraction faite de ce qui a été produit durant «Alger, capitale de la culture arabe 2007», de nombreuses pièces de théâtre se font aujourd'hui, un peu partout en Algérie. Après, ces productions sont, bien évidemment, de différents niveaux. Les gens sont en train de se chercher sur le plan du texte, de l'écriture, que sur le plan de la mise en scène. Et puis, il y a le problème des critiques, qui sont presque inexistants en Algérie. Le travail qui se fait dans le domaine n'est pas suivi. Je parle des critiques universitaires. La critique spécialisée faite par un universitaire et celle de l'information faite par un journaliste, sont deux choses totalement différentes. La critique spécialisée est fondamentale, sans laquelle on ne peut avancer. La diffusion constitue également un grand obstacle. Il y a des troupes d'amateurs qui n'arrivent pas à faire valoir leurs prestations artistiques et ne peuvent même pas se produire ailleurs par manque de moyens. Justement, est-ce que l'initiative du Théâtre national algérien, «Carte blanche pour les théâtres régionaux», pourrait solutionner certains problèmes, notamment ceux liés à la diffusion? Je pense que c'est une très bonne initiative. Elle permet aux théâtres régionaux de trouver des vitrines d'exposition pour leurs pièces. Cela permet aussi au Théâtre national algérien de créer une certaine animation. Mais cela reste insuffisant, il faudrait créer le maximum d'espaces de ce genre et de nombreux échanges entre les théâtres régionaux et le théâtre national. Il faut créer aussi des possibilités de diffusion de proximité. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, donc pourquoi, selon vous, le spectateur s'est-il tellement éloigné du théâtre. Est-ce lié à la qualité des pièces présentées? La qualité des pièces proposées n'est pas la cause. Les Algériens ne sortent plus de chez eux, le soir. Ils ne vont plus au café, au restaurant, au cinéma... On a perdu cette culture. Il ne faut pas oublier qu'on a traversé une période extrêmement difficile au cours de laquelle les Algériens étaient terrorisés. Ils vivaient dans une situation d'insécurité totale. Ce n'est pas un problème qui concerne uniquement le théâtre. Mais actuellement, il faut réfléchir à tous les mécanismes possibles pour relancer le 4e art en Algérie. Pour ce qui est de la qualité des pièces présentées, il y a un problème de formation. On a un seul institut en Algérie: l'Ismas. Et il ne forme pas assez les comédiens. Ce sont eux justement qui commencent à donner un nouveau souffle au théâtre en Algérie. Et ces jeunes viennent de commencer. Les débuts de Alloula et Kaki étaient très simples. C'est toute une politique qui doit se mettre en place pour faire avancer les choses. On voudrait avoir de nombreuses productions, que celles-ci soient de très bonne qualité et avec les meilleurs comédiens du monde, dans un temps limite. Ce n'est pas possible, le théâtre en France s'est institutionnalisé après un siècle. On remarque, ces derniers temps, un certain retour à l'ancien répertoire pour produire de nouvelles pièces. Qu'en pensez-vous? La chose n'est pas spécifique à l'Algérie. Les plus grands dramaturges dans le monde puisent dans les anciens répertoires. Un dramaturge, c'est celui qui arrive à matérialiser, de manière intelligente, une oeuvre littéraire sur scène. Un vrai dramaturge peut monter toute une pièce à partir d'un fait divers ou d'un article lu dans un journal. Une pièce de théâtre peut être montée dix ou quinze fois. Tout dépend de la vision du metteur en scène. Cinq metteurs en scène, c'est cinq visions différentes. Ils sont nombreux, les jeunes qui essaient d'apporter un zeste nouveau dans ce qu'ils essaient de produire. Qu'en est-il des projets envisagés par le Théâtre régional de Béjaïa? Le Théâtre régional de Béjaïa compte participer au Festival national du théâtre professionnel avec sa nouvelle production, Ya rjal ya hlalaf, une pièce de Bougermouh. On a aussi un spectacle pour enfants en chantier, Amiret el adral. Il y a un texte sur Cheikh Haddad, un grand révolutionnaire de la région de Béjaïa, (dans la lignée de Cheikh El Mokrani) qu'on compte adapter pour l'année prochaine.