Un chef scout, me dit dans mon jeune temps, si tu veux comprendre le sens de la vie, sois un bon scout. La présente réédition du livre Scoutisme, Ecole du patriotisme (*) de Mohamed Derouiche, publié avec une préface datée du 27 mai 1985 de M. R. Bestandji (secrétaire général des scouts musulmans algériens (1970-1975), nous rappelle encore combien le «scoutisme algérien» dans les temps durs de la colonisation, avait été l'école essentielle de la formation de bien des esprits de nos nationalistes. L'intitulé de cet ouvrage est le reflet exact de l'oeuvre scoute: buts, pédagogie et réalisations. À l'image de l'idéal du scoutisme mondial, le scoutisme algérien a ajouté ses vertus primordiales inspirées de son univers national humain. Le scoutisme mondial trempe son esprit dans cette règle: «Une vie religieuse dans l'esprit de scoutisme au service des jeunes» et dans cette réflexion de Lord Robert Baden-Powell, général britannique, son fondateur en 1909: «Le scout est avant tout un croyant: je répudie tout scoutisme qui n'a pas la religion à sa base.» Partant des causes historiques de sa fondation en Grande-Bretagne et de l'expression «Boy-Scout», mot à mot «Garçon Eclaireur», le scoutisme apparaissait comme «une méthode d'éducation visant à former des citoyens actifs, joyeux et utiles». L'un de ses objectifs est de révéler «une vie religieuse dans l'esprit de scoutisme au service des jeunes» et selon Baden-Powell: «Le scout est avant tout un croyant: je répudie tout scoutisme qui n'a pas la religion à sa base». Et c'est sans doute pourquoi, le scoutisme a connu dès les premiers temps de son existence, en 1907, sur l'Ile de Brownsea, avec 24 jeunes issus de tous les milieux sociaux, un immense développement. Il est relayé par le Père Sevin, jésuite surnommé «Le Renard Noir» (France) et le chanoine Cornette, surnommé «Vieux Loup», ambassadeur des scouts auprès des évêques et du Pape. Le scoutisme s'étend aux milieux religieux de très nombreux pays de la planète. Cependant, ce scoutisme doit son succès à une méthode d'éducation civique des adolescents reposant sur le respect de la «loi scoute», l'organisation du «système de patrouille», la pratique du «jeu» et la vie dans la «nature». L'ensemble est régi par une «loi scoute» et une «promesse» Le but général est en somme d'élever le niveau de ceux qui seraient les citoyens de demain. Mais, il ne s'agit pas de former de «petits militaires». Le scoutisme étant ouvert à tous, sa principale fonction est éducative: chercher l'épanouissement personnel du garçon et de la fille, tout en les éveillant et en les préparant à l'exercice du sens du service, de la responsabilité et du respect de l'autre. La caractéristique de la pédagogie du scoutisme est, affirment les associations scoutes à travers le monde, «de contribuer à l'éducation complète, physique et morale, spirituelle, civique et sociale de la jeunesse en complément de l'action de la famille et de l'école.» Compatible avec leurs espérances nationales au temps de la colonisation et profitant particulièrement de l'organisation du Camp National de Scoutisme du Centenaire de l'Algérie, organisé par les Eclaireurs de France, des jeunes musulmans algériens se mirent à réfléchir pour essayer de réaliser leurs rêves de liberté et de justice. «Voilà, écrit Mohamed Derouiche, que pour ces enfants [algériens] va apparaître le scoutisme à partir de 1935, les SMA-44, rue Bencheneb (Marengo) face à la Médersa, fondé par Mohamed Bouras [SMA El-Falah], puis en 1936, la Bipi [B-P: Baden-Powell] au Bd Ourida-Meddad (Bd Gambetta) par l'Amina [Association des Pères Blancs] et ensuite, en 1937 à la Pêcherie, les EMA dirigés par O. Lagha.» Derouiche a eu une question intrigante et nous aussi: «Pour quelles raisons les musulmans des grandes villes qui côtoyaient souvent les scouts français ont mis vingt ans pour lancer, en 1935, le groupe d'El-Falah à Alger et surtout à partir de 1936 pour les autres, alors que les clubs sportifs ont commencé à s'ouvrir dès l'application de la loi du 1er juillet 1901?» Mohamed Derouiche, enseignant et pédagogue émérite, formé à bonne école, celle de la vie dans sa Casbah natale, répond par ce livre Scoutisme, école du patriotisme qui se veut un essai sur l'histoire du scoutisme musulman algérien. Le SMA a joué un rôle important dans l'éducation et la formation politique des jeunes avant et pendant la lutte de Libération nationale. Après un long et laborieux travail de recherche de documents et de témoignages, d'étude, d'analyse et de synthèse et se remémorant les activités scouts auxquelles il avait directement participé, l'auteur nous fait revivre une page glorieuse de l'histoire du nationalisme dans l'éducation populaire de la jeunesse algérienne. Dès le début de son travail, Mohamed Derouiche nous fait part de son constat: «L'évolution du mouvement scout en Algérie était toujours liée au contexte sociopolitique. Le scoutisme a toujours été imprégné par le milieu populaire de son recrutement et par l'atmosphère nationaliste de son environnement.» Il s'en explique dans cinq grands chapitres très détaillés: 1 - Les débuts du scoutisme musulman en Algérie. 2 - L'évolution de la fédération des SMA de 1939. 3 - Les SMA s'affirment comme mouvement de jeunesse engagée. 4 - 1948-1954: les SMA vivent intensément leur milieu sociopolitique. 5 - Le scoutisme féminin jusqu'en 1954. De nombreuses annexes (documents, témoignages, statut, courrier, photos,...) soutiennent ou complètent judicieusement le propos. L'ouvrage mérite une lecture attentive et s'offre comme un document historique très éclairant pour notre jeunesse qui cherche ses repères et ne sait pas toujours les exemples utiles à sa formation morale, civique, religieuse et politique. De nos jours, le scout el-Kachchâf s'intègre dans la société, car il a cette devise «Sois prêt» et cette Promesse: «Je promets sur mon honneur de faire mon possible pour: Suivre constamment la voie de Dieu et servir ma patrie; Aider mon prochain en toute circonstance; Observer la loi scoute.» (*) Scoutisme, école du patriotisme de Mohamed Derouiche, Casbah Editions, Alger, 2009, 309 pages.