Quel intérêt possède l'Algérie en 2010 et même les années suivantes à adhérer à l'OMC? C'est paradoxalement dans un contexte marqué par la remise en cause graduelle de l'ouverture de l'économie algérienne décrétée par la LFC pour 2009 et confirmée par la renégociation du contenu de l'Accord avec l'UE (signé en 2002 et entré en vigueur en 2005) que l'Algérie réitère sa ferme détermination à adhérer à l'OMC. Jusqu'ici, les négociations d'adhésion ont été marquées par leur caractère en dents de scie: périodes d'accélération du processus d'adhésion alternant avec des phases de glaciation dues aux exigences occidentales à propos, entre autres exemples, de la libération des prix intérieurs de l'énergie ou la limitation des subventions étatiques aux entreprises publiques stratégiques. Quel intérêt possède l'Algérie en 2010 et même les années suivantes à adhérer à l'OMC? A priori aucun. Le commerce intrabranche de l'Algérie, qui est censé refléter la densité du tissu productif national dans la division internationale du travail est un des plus faibles du pourtour méditerranéen. Quant aux données sectorielles disponibles sur les IDE, elles augurent mal d'un renversement de tendance, à moyen terme, d'autant que le contenu de la LFC pour 2009 n'a pu que refroidir les ardeurs d'un grand nombre d'investisseurs internationaux (qu'il eût été possible de prévenir grâce à une meilleure communication, car cette loi ne comporte pas que des inconvénients). Les avantages comparatifs de l'Algérie se situent dans le secteur des matières premières et non dans celui des industries à forte valeur ajoutée. D'ores et déjà, on peut conjecturer que l'adhésion de l'Algérie à l'OMC exposera nos industries manufacturières à la concurrence accrue des entreprises étrangères, même si a priori, il est malaisé d'en mesurer les conséquences sur l'emploi. Quant aux possibilités pour l'Algérie d'accéder aux marchés des principaux pays consommateurs de pétrole et du gaz, ils ne lui sont pas garantis dans la mesure où ils se situent hors du champ d'application de l'OMC. Le mode d'intégration de l'économie algérienne dans l'économie mondiale est foncièrement celui d'un Etat pétrolier, puisque les hydrocarbures contribuent pour 40% au PIB national, pour 60% aux recettes du budget de l'Etat et pour plus de 95% aux exportations. Toutefois, dès lors que l'Algérie confirme sa volonté d'adhésion à brève échéance à l'OMC, on pourrait sans doute énumérer quelque six avantages dont elle pourrait tirer profit. 1. Elle bénéficierait des accords multilatéraux (clause de la nation la plus favorisée, lutte contre le dumping, réduction des barrières tarifaires et suppression des barrières non tarifaires), à condition évidemment, que notre pays s'engage résolument dans la diversification de son économie et prenne des mesures volontaristes à cet égard. 2. L'adhésion lui ouvrira l'accès à l'Organe de règlement des différends (ORD) qui garantit un règlement impartial des contentieux commerciaux. 3. Elle pourra escompter la suppression des procédures antidumping unilatérales décidées par certains de ses partenaires commerciaux actuels. 4. Son adhésion sera de nature à susciter une nouvelle impulsion dans la mise en oeuvre des réformes internes qui marquent le pas. 5. Le développement des relations commerciales internationales de l'Algérie donnera des opportunités aux exportateurs algériens, cependant que l'accroissement de la pression concurrentielle peut favoriser la baisse des prix, l'amélioration de la qualité des produits et services et celle de l'allocation des ressources dont les défaillances actuelles soulignent un déficit de gouvernance économique que tous les Etats ayant adhéré à l'OMC doivent s'efforcer de corriger. 6. Enfin, l'adhésion de l'Algérie à l'OMC contraindra notre pays à s'orienter résolument vers une économie fondée sur la connaissance, à travers l'institution d'une meilleure protection des droits de propriété intellectuelle et l'offre d'un cadre législatif qui permettra l'épanouissement de la recherche/ développement et surtout encouragera le potentiel scientifique national à rester en Algérie, alors que l'on enregistre, chaque année, le départ vers l'étranger de centaines d'étudiants, de titulaires du Bac+4, de doctorants et de chercheurs. Il serait toutefois erroné de porter une appréciation positive sur ces vertus supposées, sans qu'au préalable on ne se soit assuré que les autorités algériennes poursuivront résolument les réformes engagées, qu'il s'agisse de la restructuration du secteur public, de la mise à niveau du secteur bancaire ou de l'assainissement des circuits de commercialisation et de distribution. Par ailleurs, les efforts importants que doit accomplir l'Algérie portent sur une politique tarifaire stable qui passe non seulement par une simplification et un allègement des tarifs douaniers, mais également par leur application effective par les services compétents, un accès aux marchés publics nationaux qui doit être ouvert aux entreprises algériennes mais sans discrimination à l'endroit des investisseurs étrangers. S'agissant des monopoles naturels (électricité, gaz), ils doivent entamer rapidement leur conversion vers des pratiques de gestion plus conformes aux standards internationaux (ainsi que l'appelle, du reste, de ses voeux, le P-DG de Sonelgaz). Enfin, il reste des questions très délicates à trancher, comme l'ouverture des services financiers (la privatisation de deux ou trois banques publiques ainsi que de deux compagnies d'assurances devrait être à l'ordre du jour) et la tarification interne des produits des monopoles naturels. Pour conclure, nous dirons seulement que l'Algérie devra faire d'importantes concessions tant le processus de négociation avec l'OMC reste foncièrement asymétrique, beaucoup plus, en tout cas, que celui qui présida à la conclusion de l'accord avec l'UE en 2002. (*) Professeur en droit des affaires [email protected]