Le théâtre régional de Béjaïa accueille jusqu'au 4 juin l'événement cinématographique phare de la région. Quand les espaces pour débattre du cinéma viennent à manquer, le peu et reste est une chance inouïe mais quand celui-ci est doublé d'une qualité cela ne peut que nous réjouir. A côté du festival du court métrage de Taghit, hélas disparu, et celui du film arabe, hypothéqué, les Rencontres cinématographiques de Béjaïa s'apparentent à une sentinelle qui n'abdique pas devant les obstacles. Seul constant dans le paysage cinématographique algérien. Ces rencontres cinématographiques deviennent l'événement cinéma incontournable de l'année. Impossible de le rater. C'est donc avec trac et émotion toujours renouvelés que Abdenour Haouchiche, président de l'association Project'heurts - l'organisateur de l'évènement - a présenté avant-hier, sur les planches du Théâtre régional de Béjaïa, cette nouvelle édition qui se veut, comme chaque année, apporter le meilleur de ce qu'elle peut comme films courts, longs et documentaires en fonction des moyens dont elle dispose. Peu de moyens peut-être, mais une efficacité à toute épreuve. Présentant ces rencontres, l'orateur dira que cette manifestation est «une plate-forme de débat et d'échange qui sert à questionner le cinéma» sur toutes ses formes, sans pour autant tomber pompeusement dans un cadre dit de festival, mais plutôt de rencontre avec tout ce que cela induit comme échange humain et de découverte de l'autre, de son cinéma. Pour la soirée d'ouverture, il a été décidé la programmation de deux films. D'abord un court métrage de 6 minutes. Intitulé Le Dernier passager de Mounès Khemmar, ce film qui a fait récemment son baptême du feu au Festival de Cannes, raconte l'histoire d'un jeune artiste raté, interprété par Mohamed Bouchaïb, qui décide de mettre fin à ses jours. Son âme, avant de disparaître à jamais, revient rendre une dernière visite à ses deux amours impossibles: sa bien-aimée, interprétée par Zahra Harket, et une scène du théâtre où il avait travaillé comme homme à tout faire. Silencieux, le film est accompagné d'une bande musicale à partir du moment où l'âme de cet homme entame son voyage dans ce monde parallèle. Si la musique est fortement présente dans ce film, il s'agit d'un choix délibéré par le réalisateur qui affirmera lors du débat: «Comme des mots, la musique était là non pas pour illustrer mais pour raconter l'histoire. Il n' y avait pas mieux que cette musique pour la raconter.» Pari réussi, puisque la musique longtemps après, permet de se faire un film dans sa tête...Triste en tout cas. Prenante, belle et mélancolique, cette musique sert d'embellissement à cette histoire. Le réalisateur soulignera la structure de son court par un choix porté sur l'importance des comédiens dans le sens où chacun a le pouvoir d'exprimer le maximum de choses (d'émotion) en un laps de temps très court, à travers des plans/ séquences assimilés à des tableaux. Dans un registre autrement sensible est le film de Abdelkrim Bahloul, Le Voyage d'Alger. Etait là pour le soutenir son producteur Bachir Derrais qui insistera sur le combat d'une mère courage qui a bravé les obstacles pour recouvrer ses droits et sa dignité tout en rappelant l'histoire vraie de ce personnage, autrement dit, la véritable mère du réalisateur. Le Voyage d'Alger raconte en effet la biographie du réalisateur d'après des bribes de souvenirs de son enfance. Quelques mois après l'Indépendance, la maison que leur a laissée un Français avant de quitter définitivement le pays, est convoitée par un harki qui tente par tous les moyens de la prendre. Réalisé dans le cadre de «Alger, capitale de la culture arabe 2007» le budget du film est de sept milliards de centimes. Ce film dévoile toute la bravoure de cette femme de martyr, qui résiste aux intimidations de cet homme tout en élevant ses six enfants. Un jour, elle décide d'aller voir le président Ben Bella pour lui demander de l'aide. Elle y rencontre son ministre de la Défense de l'époque, Boumediene. Si l'histoire du film demeure bouleversante tant par ses vérités que par sa violence psychologique, le débat, lui après la projection, s'est focalisé sur le côté politique de l'histoire et c'est bien dommage. Si l'histoire parait aujourd'hui un peu «propagandiste», il n'en demeure pas moins que le rôle principal interprété par Samia Meziane parvient à porter à bras-le-corps le film et cela c'est déjà pas mal! Cette première journée des Rencontres cinématographiques, cette semaine qui s'étalera jusqu'au 4 juin, promet encore beaucoup de sensations, de débats constructifs. Des films venus de Tunisie, du Maroc, de France mais aussi de Belgique seront projetés tout au long de la semaine au Théâtre régional de Béjaïa. Outre le traditionnel café-ciné qui accompagne chaque film, la matinée sera consacrée à l'atelier sur l'écriture de scenario. Cette année, deux ont finalement été sélectionnés, à l'unanimité. Bref, du pain sur la planche attend les réalisateurs, journalistes et autres scénaristes. En somme, ambiance studieuse garantie non dénuée de partage et de divertissement. Les 8es Rencontres cinématographes de Béjaïa peuvent commencer. Sous un ciel gris certes, mais dans une atmosphère amplement chaleureuse. Incontestablement!