Ils étaient tous là pour le culte du souvenir d'un combattant pour une Algérie libre et plurielle. Emouvante, était la commémoration de la date dite «disparition» à Alger, de Maurice Audin, moudjahid, mort pour une Algérie indépendante dans la nuit d'un certain 11 juin 1957. Georges Hadjadj, Israélite de confession et compagnon de détention de Henri Alleg, autre fervent militant de la cause algérienne, a présidé hier au Centre de presse du quotidien El Moudjahid une cérémonie du souvenir et de recueillement à la mémoire de Audin. A ses côtés se trouvait Zohra Drif, épouse de feu Rabah Bitat, alors que parmi l'assistance l'on remarquait la présence de Louizette Ighilahriz aux côtés de nombre de militants de la bataille d'Alger, aux crânes dégarnis ou clairsemés de rares cheveux blancs. Les visages ridés par les ans n'ont pas empêché ses compagnons de combat de venir réécouter quelques témoignages sur la vie militante de leur frère de lutte. Engagé dans le combat pour une Algérie indépendante et fraternelle, Maurice Audin, qui a pris le maquis en septembre 1955 dans le massif de Chréa (Blida), a été enlevé dans la nuit d'un certain 11 juin 1957, par des soldats des forces coloniales en son modeste domicile de la cité Habitat à bon marché (HBM) de la place du Champ de manoeuvres, aujourd'hui Place du 1er-Mai. Il est emmené dans une villa à Bouzaréah (El Biar) à Alger pour y être «interrogé». Le 1er juillet 1957, sa famille apprend qu'il «se serait évadé». Aujourd'hui encore, aucune déclaration officielle ne mentionne dans quelles conditions Maurice Audin est décédé. Mais, comme rapporté par plusieurs témoins, il aurait été liquidé lors d'un «simulacre d'évasion» après avoir été torturé à la «gégène» (électricité) et au supplice de l'eau. Il aurait même subi les sauts des parachutistes à pieds joints sur son ventre pour extirper de ses tripes l'eau engloutie. Né le 14 février 1932 à Beja (Tunisie), de mère née en Algérie, le moudjahid Maurice Audin arrive à Alger, en famille, en 1940. Après l'école primaire, il fréquente le lycée Gauthier (Omar Racim aujourd'hui) où il présente un Bac-mathélem avant de s'inscrire, en 1947, à la faculté d'Alger dans la branche sciences. Il fut père de trois enfants, dont Michèle, qui a refusé la nomination de son père à la Légion d'honneur au président de la République française, car celui-ci n'ayant pas répondu à sa demande d'élucider les circonstances exactes de la mort de son père. Son épouse, Josette, faite chevalier de la Légion d'honneur, s'est vu attribuer la nationalité algérienne la veille du premier anniversaire de l'indépendance de l'Algérie, soit le 4 juillet 1963. Une place parisienne, au nom de Maurice Audin, mathématicien, membre du Parti communiste algérien (PCA) et militant de la cause anticolonialiste, a été inaugurée le 26 mai 2004 par Bertrand Delanoë, maire de Paris et Pierre Vidal-Naquet, historien et ancien secrétaire du Comité Audin. Cette cérémonie s'était déroulée en présence de Madame Josette Audin, de sa famille et des membres du Comité de parrainage, la Place Maurice Audin, militant du PCA, Cette inauguration faisait suite à une décision du Conseil de Paris du 20 octobre 2003, faisant de Paris une ville active dans le combat universel pour les droits de l'homme.