Des centaines de personnes étaient agglutinées autour d'un pont reliant les deux pays, fermé à l'aide de gros blocs de béton et de barbelés, dans le village de Velkesem. Des milliers d'Ouzbeks du Kirghizistan se pressaient hier à la frontière de l'Ouzbékistan dans l'espoir de se protéger des violences interethniques qui ont ravagé le sud de ce petit pays d'Asie centrale, une crise humanitaire qui pourrait virer à la «catastrophe» selon l'ONU. Par une chaleur écrasante, des centaines de personnes, essentiellement des femmes et des enfants, étaient agglutinées autour d'un pont reliant les deux pays, fermé à l'aide de gros blocs de béton et de barbelés, dans le village de Velkesem, à cinq kilomètres d'Och, deuxième ville du Kirghizistan et l'un des foyers des violences qui ont éclaté la semaine dernière. Seule une demi-douzaine de tentes sont installées sur le site, tandis qu'une citerne, vieille et rouillée, est l'unique source d'eau. Comme de nombreuses autres personnes, une réfugiée accuse les autorités kirghizes d'avoir favorisé les violences qui ont fait depuis cinq jours au moins 187 morts et près de 2000 blessés selon les chiffres officiels. «On ne peut pas faire confiance à l'armée, on ne peut pas faire confiance à la police. Ils ont transformé Och en cimetière», dit la jeune femme. «On cache les jeunes filles dans les caves pour qu'elles ne se fassent pas violer». «On ne reçoit aucune aide. On dort dans la rue avec les enfants, même sous la pluie. Ca fait cinq jours qu'on est là. Personne ne vient. Les gens ici ont faim et soif. On n'a pas de médicaments», raconte Mokhidil, la quarantaine. L'Ouzbékistan, qui a accueilli plus de 100.000 réfugiés après les affrontements selon son gouvernement, a fermé sa frontière et n'accepte plus que des blessés. 275.000 personnes au total auraient été déplacées selon le Comité international de la Croix-rouge. Un premier avion cargo d'aide humanitaire internationale est arrivé hier à Andijan (est de l'Ouzbékistan), chargé de 800 tentes du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), a indiqué un responsable du ministère ouzbek des Situations d'urgence. Deux autres avions du HCR étaient attendus dans la journée. Le patron du HCR, Antonio Guterres, a appelé à l'aide internationale pour éviter que la «tragédie» des affrontements interethniques ne vire à la «catastrophe», enjoignant à «absolument trouver une solution politique». Selon des analystes, le facteur ethnique n'est pas seul responsable des violences et certains ont accusé des groupes criminels soutenant le président déchu Kourmanbek Bakiev, renversé en avril par un soulèvement, d'être à l'origine des troubles dans le but de déstabiliser le gouvernement provisoire. Le gouvernement a accusé mardi son fils, Maxime Bakiev, d'avoir «financé les émeutes». Une période de deuil de trois jours décrétée par le gouvernement a débuté hier, les drapeaux en berne à travers le Kirghizistan. Un émissaire américain était attendu dans la région, importante pour Washington qui dispose au Kirghizistan d'une base militaire stratégique pour ses opérations en Afghanistan. Robert Blake devait visiter hier Tachkent, la capitale ouzbek, et la vallée de Ferghana, près de la frontière kirghize, avant de se rendre demain à Bichkek, «où il aura des consultations directes avec le gouvernement samedi», selon Philip Crowley, porte-parole du département d'Etat. «La crise humanitaire s'aggrave et nous sommes prêts à y faire face», a ajouté le porte-parole. Par ailleurs, le secrétaire du Conseil de sécurité kirghiz Alik Orozov s'est rendu hier à Moscou où il devait discuter avec son homologue russe Nikolaï Patrouchev et le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov de l'accélération des livraisons de l'aide humanitaire, a rapporté l'agence Itar-Tass. Dans les deux principales villes kirghizes du sud, Och et Djalal-Abad, un calme relatif semblait revenir hier matin, et les forces de sécurité ont annoncé qu'elles allaient confisquer toutes les armes à feu. A Och, où des tirs d'artillerie nourris s'étaient produits mardi soir, les autorités nettoyaient la ville et évacuaient des voitures brûlées.