Les affrontements ethniques s'étendaient hier dans le sud du Kirghizistan, où les violences qui ont éclaté en fin de semaine à Och, la deuxième ville du pays, ont fait au moins 80 morts et plus d'un millier de blessés, selon le gouvernement. Des milliers d'Ouzbèques fuyaient après avoir vu leurs maisons incendiées par des groupes d'hommes kirghizes. Les violences ont fait au moins 80 morts et 1.066 blessés, selon les derniers chiffres communiqués dimanche par le ministère de la Santé. Mais un haut responsable militaire, Talaaibek Mirzabaïev, principal responsable de la conscription à Bichkek, la capitale, a ensuite rapporté qu'une trentaine d'Ouzbèques avaient été tués dans le village de Suzak dans la région de Jalalabad, autre grande ville du Sud. Un autre village ouzbèque, Dostuk, a été incendié par des kirghizes mais le nombre de victimes n'était pas établi. Les incendies ont détruit une large partie d'Och, la deuxième ville du pays. Des magasins ont été pillés et la nourriture commençait à manquer. Des tirs ont retenti hier à Jalalabad, où la veille, une université avait été incendiée, un commissariat assiégé tandis qu'un véhicule blindé et plusieurs armes étaient dérobées dans une unité militaire locale. Dans le village voisin de Bazar-Kurgan, une foule d'environ 400 Ouzbèques ont renversé des véhicules et tué un capitaine de police, selon un militant politique local, Asil Tekebaïev. Des habitants ont rapporté que des hommes kirghizes affluaient de toute la région dans le village, armés de bâtons, de barres métalliques ou même de fourches. La présidente par intérim Roza Otunbaïeva a reconnu samedi que son gouvernement avait perdu tout contrôle sur Och, une ville de 250.000 habitants, même s'il avait envoyé des troupes, des blindés et des hélicoptères pour faire cesser les heurts. Elle a demandé l'aide militaire de la Russie, mais Moscou n'a offert qu'une assistance humanitaire, expliquant ne pas vouloir intervenir dans ce que le Kremlin a décrit comme un conflit interne du Kirghizistan. La présidente par intérim a accusé la famille de Kourmankek Bakïev d'être à l'origine des troubles à Och, y voyant une tentative pour perturber le référendum sur la Constitution prévu le 27 juin. Le maire par intérim de Jalalabad, Maksat Jeinbekov, interrogé par téléphone, a déclaré que des partisans de l'ancien président dans sa région avaient déclenché les émeutes en s'en prenant à la fois à des Ouzbèques et des Kirghizes. La foule d'émeutiers a rapidement grandi passant de plusieurs centaines à plusieurs de milliers de personnes, selon lui, et des tirs d'armes automatiques pouvaient être entendus dans la ville, a-t-il rapporté. Un blindé de l'armée patrouille dans la ville méridionale d'Osh, placée en état d'urgence après les violences interethniques qui ont fait des dizaines de morts et des centaines de blessés, le 11 juin. Le gouvernement a également fait savoir que les forces de l'ordre ont l'autorisation de tirer sans sommation sur les groupes utilisant des armes à feu. Depuis jeudi, des groupes d'hommes kirghizes armés de fusils d'assaut AK47 se livreraient à de véritables chasse à l'homme visant les Ouzbèques. Selon le gouvernement intérimaire en place depuis le mois d'avril, il s'agirait de partisans du président déchu Kourmanbek Bakiev qui entendent ainsi déstabiliser le pouvoir et favoriser le rétablissement de M. Bakiev dans ses fonctions. La Russie a refusé l'assistance militaire demandée par Bichkek. Aux yeux du président russe, Dmitri Medvedev, "il s'agit d'un conflit intérieur et la Russie ne voit pas, pour le moment, les conditions pour participer à sa résolution", a déclaré son porte-parole. Face aux inquiétudes quant à la situation humanitaire, le Kremlin a toutefois décidé d'"accorder une aide humanitaire" à cette ancienne république soviétique où la Russie dispose d'une base militaire. Un avion médicalisé du ministère des situations d'urgence, avec dix médecins à bord, s'est déjà envolé pour le Kirghizstan.