Le bruit des Mirages français et des kalachnikovs étouffent les appels de détresse lancés par des organisations humanitaires internationales. Un nuage de sauterelles voraces dans le ciel, une terre craquelée sous l'effet de la sécheresse et des enfants aux ventres gonflés avec des nuées de mouches sur les lèvres. Il ne s'agit pas d'un tableau de peinture, mais de la situation réelle qui sévit actuellement dans une partie des vastes territoires du Sahel. Une région où 10 millions de personnes se trouvent dans un état de détresse, au-delà du seuil critique. Une situation que les chefs d'Etat africains et la France, ancienne puissance coloniale de ce continent, refusent obstinément de voir. Le malheur de ces populations du Sahel n'intéresse finalement personne, ou presque. Dans les salons feutrés de Kampala en Ouganda qui abrite la 15e session ordinaire de la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union africaine, on disserte sur «la santé maternelle, néonatale et infantile et le développement en Afrique». Un thème totalement discordant avec les réalités du continent. De quelle santé maternelle parlent alors ces dirigeants africains quand des organisations humanitaires témoignent qu'elles ont vu «des femmes casser des fourmilières pour récupérer des grains»? Décidément plus inspirés, c'est le cancer du colon qui inquiète les parlementaires africains. «La lutte contre le cancer du côlon en Afrique», est le thème qui a réuni ces parlementaires à Accra au Ghana. Entre autres objectifs de la rencontre, figurent la réduction des séquelles du cancer du sein et du côlon en Afrique et la mobilisation des moyens à même de mettre au point des politiques et stratégies de lutte contre ces deux maladies. Les Africains ont du mal à percevoir la catastrophe qui menace pourtant au moins 10 millions de personnes dans la région du Sahel. Les ONG ne cessent de tirer la sonnette d'alarme en tentant de mobiliser la communauté internationale quant à un désastre imminent. Mais le bruit des Mirages français et des kalachnikovs étouffent les appels de détresse lancés par des organisations humanitaires internationales. Le désastre est grave. Rien qu'au Niger, 380.000 enfants souffrent de malnutrition. La menace pèse également sur le Tchad et le nord du Mali, avec des répercussions qui touchent d'autres pays du Sahel. Mais quand, devant une pareille calamité, le président en exercice de l'Union africaine, le chef d'Etat du Malawi, Bingu wa Mutharika, déclare que l'«inculpation du président soudanais Omar el-Bechir porte atteinte à la paix et à la sécurité en Afrique» il y a de quoi applaudir le raid mené par la France jeudi dernier dans le Sahel. En s'attaquant aux conséquences et non aux causes, on alimente la noria de malheurs africains. Il y à peine quelques jours, la France a fait danser ses anciennes colonies qui ont 50 ans d'indépendance. Au moment où 10 millions de personnes, dont près de 500.000 enfants, sont menacés par la famine, l'UA parle de la femme, les parlementaires se penchent sur le cancer de l'utérus et la France mobilise un arsenal militaire pour libérer un citoyen. Il faut dire que les dirigeants africains et français font cause commune.