Le citoyen n'est plus indifférent à la hausse vertigineuse des prix. Et l'Etat n'accepte plus que sa crédibilité soit remise en cause. Le ministre du Commerce, Mustapha Benbada, ne se contente pas d'annoncer des enquêtes sur les situations de monopole. Il compte former des enquêteurs avec l'aide des Européens. Les institutions algériennes en charge de ce secteur sont d'ailleurs à la recherche d'homologues européens en vue d'un jumelage. Un appel est adressé depuis quelques jours aux administrations des Etats membres de l'Union européenne pour un jumelage avec l'autorité de concurrence du ministère du Commerce. Des experts européens se déplaceront en Algérie et les nationaux auront la possibilité de se rendre dans le pays désigné dans l'autre rive de la Méditerranée. Le jumelage se déroulera sur une durée maximale de dix-huit mois et il sera doté d'un budget de 870.000 euros. La date limite de réception des propositions est fixée au 23 septembre 2010. Selon le Programme d'appui à l'Accord d'association avec l'Union européenne, une grande place est laissée à l'acquisition de techniques d'enquêtes, d'observation et de suivi. Le tout pour mieux appréhender les données réelles concernant la concurrence. Il est attendu que les organismes en charge de la concurrence mettront en place des systèmes d'information et de communication permanentes. En outre, les bonnes pratiques de l'Union européenne en matière de concurrence seront présentées au cours de rencontres et de séminaires. Il y a un mois, plus exactement le 29 juin dernier, le ministre du Commerce, Mustapha Benbada, avait déclaré que les pouvoirs publics mènent actuellement plusieurs enquêtes sur des positions monopolistiques auprès d'entreprises activant dans des filières agroalimentaires. «Nous menons des enquêtes dans certaines filières (sucre, huile, produits laitiers notamment) et nous comptons intervenir pour rééquilibrer le marché», avait-t-il déclaré à la presse en marge des travaux de l'Assemblée populaire nationale consacrés au projet modifiant et complétant la loi relative à la concurrence. La loi sur la concurrence limite à 45% les parts de marché que peut détenir une entreprise sur un marché de production ou de distribution. Au cas où ce taux serait dépassé, une notification de concentration d'entreprises est obligatoirement portée devant le Conseil de la concurrence. Il n'a pas exclu que l'Etat puisse intervenir pour garantir l'application du juste prix. Alors qu'il était ministre du Commerce, El Hachemi Djaâboub avait évoqué des positions dominantes de certains opérateurs économiques sur quelques produits, et non pas de monopole. Des situations qui devraient être traitées, selon lui, par le Conseil de la concurrence, une fois constitué dans sa nouvelle configuration. Le projet de jumelage sur la concurrence prend d'ailleurs en compte l'état actuel de la législation et de la réglementation concernant la concurrence ainsi que du système institutionnel en place. Le projet tend à agir sur ce cadre juridique et institutionnel mais vise aussi à harmoniser les règles et pratiques et à promouvoir une culture de la concurrence. Toutes ces actions n'auront pas d'effet immédiat. Il ne faut donc pas s'attendre à ce que les prix baissent pendant ce Ramadhan. L'évolution la plus récente du cadre législatif est intervenue en juillet dernier. Elle a consisté en une révision simultanée de la loi sur la concurrence et de la loi sur les pratiques commerciales. En coordination avec le ministère du Commerce, les Européens veulent que soit inscrit au coeur des débats à venir le souci de faire en sorte que les règles de la concurrence offrent des garanties aux consommateurs sur la qualité et les prix des produits. En plus du Programme d'appui à l'Accord d'association, deux autres programmes de coopération avec l'UE contribuent à promouvoir la culture de la concurrence en Algérie. Il s'agit de PME II, destiné aux entreprises, et du programme de facilitation commerciale avec les institutions du même ministère. Il y a quelques jours, Benbada a rappelé les règles d'approvisionnement du marché à l'occasion d'une rencontre avec les producteurs. Mais on ne sait pas si son message a été entendu. En tout cas, tout le monde est conscient que la législation, à elle seule, ne suffit pas à éradiquer les pratiques anticoncurrentielles. Pour preuve, la loi sur la concurrence a évolué en quinze ans et a déjà connu plusieurs changements. Le texte fondateur de la concurrence est l'ordonnance 95-06 du 15 janvier 1995. En 2003, cette ordonnance a été abrogée et remplacée par l'ordonnance 03-03 du 19 juillet 2003 relative à la concurrence. Ce texte a été également modifié et complété par la loi 08-12 du 25 juin 2008. Plusieurs textes d'application, décrets et arrêtés ont été pris pour mettre en application l'ordonnance et la loi régissant la concurrence. Sans grands résultats. La tentative de Benbada sera-t-elle la bonne? Devant la révélation de l'ONS indiquant que le sucre a augmenté de plus de 40%, l'Etat n'a qu'un seul choix. Agir. Et vite.