Le tonnage quotidien, tous genres de poissons confondus, a baissé d'environ 16,5% entre 2008 et 2009, soit une chute d'un sixième. Il ne s'agit pas d'un film de science-fiction réalisé par Greenpeace mais de faits réels qui se déroulent sur la côte algéroise: le poisson est sur le point de disparaître complètement si des mesures adéquates ne sont pas prises. Les changements climatiques et la pollution sont les explications les plus avancées par les responsables, mais certains pêcheurs ont fait valoir les dégâts causés par la pêche à la dynamite. «Au cours des années 1990, certains pêcheurs utilisaient la dynamite au quotidien, détruisant des milliers de miles de fonds marins», a dénoncé un raïs, tout en faisant savoir qu'un seul bâton d'explosif «est capable de détruire la faune et la flore marines sur un périmètre de plusieurs dizaines de mètres carrés». Selon ce patron-pêcheur, cette technique de pêche, pourtant prohibée, est encore utilisée par les sardiniers mais moins fréquemment qu'aux cours des années 1990. «Nous subissons les erreurs de nos prédécesseurs», a regretté le marin, la quarantaine à peine entamée, laissant en suspens moult interrogations sur l'exercice de cette activité interdite, dont l'impunité apparente qui la couvre et l'intrigante question de l'approvisionnement en explosifs. Sur les étals d'Alger, le poisson frais est devenu une denrée rare, la sardine s'intronisant carrément produit de luxe. L'une des raisons fondamentales en est que les quelque 100 km de littoral algérois seraient «de moins en moins poissonneux», si l'on en croit les différents acteurs concernés. «Nous avons constaté une diminution du tonnage de poisson bleu et blanc, notamment cette année», signale Zoubir Saïdi, chef d'unité à la poissonnerie d'Alger qui relève de l'Entreprise de gestion des ports de pêche (Egpp). Dans cette poissonnerie, le tonnage quotidien, tous genres de poissons confondus, a baissé d'environ 16,5% entre 2008 et 2009, soit une chute d'un sixième, précise M.Saïdi. «Le tonnage du poisson blanc et bleu, ainsi que celui de la sardine, a baissé de 6 à 5 tonnes par jour entre 2008 et 2009, et cette tendance s'est poursuivie en 2010», précise-t-il encore. L'hypothèse d'une diminution de la ressource halieutique au large de l'Algérois est également soutenue par nombre de pêcheurs et responsables du secteur. «La récolte est chiche», déplore Fateh Lebbadi, patron de pêche d'un petit métier, Nizla, ayant un port d'attache au port d'El Djamila (ex-La Madrague). Fateh, qui active dans le domaine de la pêche depuis plus de 25 ans, assure que le poisson «n'a jamais été aussi rare que ces deux dernières années». Ce pêcheur se souvient du temps où les bateaux «revenaient avec des centaines de kilos», mais «les choses ont changé», regrette-t-il, ajoutant, avec une note de nostalgie de ces années jugées prospères, qu'il arrive aujourd'hui aux pêcheurs de revenir les caisses «pratiquement vides». Pour sa part, la directrice de la pêche et des ressources halieutiques de la wilaya d'Alger, Mme Rabea Zerouki, confirme et soutient que «le poisson n'est plus aussi abondant au large des côtes algéroises qu'il ne l'était il y a quelques années». Si la rareté du poisson s'impose comme une pénible évidence, aux yeux des opérateurs concernés, la cause de ce phénomène est objet de controverse. Mais la rareté est-elle la seule cause de la flambée des prix? Loin s'en faut. Avec un prix de plus de 300 DA, la sardine n'est plus à la portée de tous. Les prix ont quadruplé en moins de deux ans. Pour Yazid, propriétaire d'un restaurant spécialisé en poisson depuis 40 ans, la rareté n'est pas le seul responsable. «Le poisson passe au moins par 4 revendeurs entre le moment où il est déposé sur le quai de la poissonnerie d'Alger et sa sortie du port», affirme-t-il. Mais il semble bien difficile de remonter, ne serait-ce que partiellement, le circuit de formation des prix du poisson tant l'accès à la poissonnerie s'est révélé impossible, même lorsque le journaliste est muni d'une autorisation de l'Egpp. Les mandataires et les revendeurs ambulants de poisson, abordés à la sortie de la poissonnerie, sont restés évasifs dans leurs réponses aux questions posées quant à la réalité des prix. Maigre indication: un revendeur de sardine, poussant son chariot, a fait savoir qu'il allait revendre sa marchandise, qui lui a coûté quelque 230 DA par kilo, à 300 DA au minimum.