La dépouille de Tahar Ouettar a été transportée hier matin au Palais de la culture Moufdi-Zakaria où un dernier hommage lui a été rendu avant son inhumation au cimetière d'El Alia après la prière du vendredi. Tahar Ouettar a eu droit à un recueillement solennel où étaient présents les membres de sa famille, la ministre de la Culture, ainsi que des hommes et femmes relevant du milieu politique et culturel. Parmi eux, l'ex-ministre Amimour, la sénatrice Dalila Hlilou, l'homme de théâtre Benguettaf, Smaïl Ameziane, commissaire du Salon du livre et bien d'autres encore. Emue aux larmes, Khalida Toumi, noyée de chagrin n'a pu prendre la parole laissant son chargé de communication lire son discours qui mettra en exergue les qualités humaines authentiques de ce révolutionnaire du verbe qui a su porter le pays dans son coeur depuis la guerre pour l'indépendance jusqu'à nos jours en prônant la défense de la langue arabe, dont il se fera l'écho de sa société à travers sa plume. Pour sa part, le secrétaire général du FLN et représentant personnel du chef de l'Etat, Abdelaziz Belkhadem, fera remarquer que la disparition de Tahar Ouettar est «une grande perte pour la nation. C'était un monument. Aujourd'hui que nous lui rendons un dernier hommage, on prend conscience de l'ampleur du malheur qui vient de nous frapper et du vide qu'il nous a laissé». De son côté, Larbi Ould Khelifa, président du Conseil de la langue arabe a déclaré: «Tahar Ouettar était un intellectuel et homme de lettres dont la réputation a dépassé les frontières algériennes. Il portait en lui les maux de sa société et de son milieu. Il a beaucoup apporté à la langue arabe en la faisant se propager dans le monde. Il était un écrivain, algérien d'abord, ensuite arabe. Il a rendu énormément service au pays et à la langue arabe.» Et l'ex-ministre de la Culture, Mohamed Abdou d'avouer: «Il est tout à fait normal, quel que soit le citoyen, de ressentir une grande tristesse devant une pareille perte. C'est quelqu'un qui a enrichi la pensée algérienne. Il était très productif. Il a pris des initiatives qui resteront après lui. Ils nous permettront d'avoir d'excellents souvenirs d'un homme qui a, non seulement nourri les esprits de son vivant, mais en continuant à le faire grâce aux organisations qu'il a mises en place et grâce à l'oeuvre qu'il nous a laissé qui est très conséquente. Il a toujours été derrière les talents. Il aidait les gens. Il a subventionné, a créé des prix, des concours, a initié l'émulation en matière de pensée et de créations littéraires. Il est tout à fait évident que nous ressentions un grand sentiment de vide qui est très difficile à exprimer en ce moment.» L'ex-directeur de la Bibliothèque nationale d'El Hamma, Amine Zaoui, pour sa part, ne tarira pas d'éloges sur la richesse de sa plume: «Sa perte est immense pour la littérature algérienne et arabe de façon générale. Tahar Ouettar était le véritable ambassadeur de la littérature algérienne et romanesque au Moyen-Orient et ce, à travers ses romans notamment l'As, Houet el kasr et El Zilzel. Il a appris à notre génération la lecture romanesque. L'As a été le premier roman à être lu par les arabophones. Il a crée, grâce à ce roman, les traditions de la lecture en langue arabe en Algérie. Il n'était pas seulement un écrivain, mais aussi un animateur culturel, occupant la scène culturelle via des conférences et tout ce qu'il a pu apporter à travers son association El Djahidia, devenue une institution culturelle qui a su donner une image autre de la culture algérienne au monde arabe et à la mer Méditerranée.» Enfin, ancien élève de Tahar Ouettar, l'écrivain Wassini Laâradj évoquera, quant à lui, l'apport de Tahar Ouettar dans sa formation, soulignant qu'il était aux côtés de Abdelhamid Benhadouga, l'un des pères fondateurs de la littérature d'expression arabe. Et de préciser, faisant allusion, sans doute, au fameux différend provoqué par ses prises de positions : «Il était le précurseur dans les années 1970 du roman en langue arabe. Son écriture était très attachée à la société. Plus tard, il est devenu un ami. Comme on dit, on a mangé le sel ensemble. Il y a eu des étincelles, bien sûr, mais c'est tout à fait normal. Quand on écrit, on n'est pas toujours dans le même diapason. Il y a une génération qui n'était pas tout à fait d'accord avec lui dans la manière de voir les choses. Il y a celle qui a vécu les avatars de la guerre de Libération, et qui s'est fixée complètement sur ses problèmes et une autre qui vit le marasme du présent. On ne peut pas avoir le même regard. Ceci dit, il est resté un grand écrivain. Il faut le prendre à sa juste valeur, c'est-à-dire en le plaçant dans un cadre historique bien déterminée. Dans les années 1980, Tahar Ouettar a aussi alimenté beaucoup de débats, que ce soit culturels ou politiques. Et quand on dit débat, on dit différence. Ce n'est pas interdit de penser différemment. Mais Tahar Ouettar reste quand même l'âme vivante de la littérature algérienne.»