La vie, depuis le début du mois de jeûne, a ralenti considérablement dans la quasi-totalité des villes et villages de la wilaya de Bouira. Les grandes chaleurs et le jeûne ont poussé bon nombre de citoyens à éviter de sortir de chez eux sauf en cas de nécessité absolue. Même les entreprises en charge des multiples projets en réalisation ont réduit leurs effectifs. Notre balade nous a conduits pour ce troisième jour vers la région Est et plus précisément aux limites territoriales avec la wilaya de Béjaïa. Nous sommes sur le point culminant de la commune d'Aghbalou. Nous descendons de voiture et apprécions un air frais qui fait frémir les arbres. Un sexagénaire à dos d'âne s'arrête et nous propose son aide, nous croyant en panne. Nous lui expliquons l'objet de notre présence. Le monsieur se lance alors dans un grand «réquisitoire». Pour le suivre, nous le prions d'organiser la discussion. Comme tout montagnard et qui en plus, est originaire de Takerboust, il exige et impose son choix. Les premiers à passer à la trappe sont les élus. «Ils viennent règler leurs affaires le temps d'un mandat. Ils font bénéficier les leurs de toutes les aides agricoles, logements et autres. Ceux qui n'ont personne au niveau de la commune doivent patienter et attendre...voyez là-bas, la route est goudronnée jusque devant le seuil d'une habitation.» Plus bas, un hameau entier est desservi par un passage étroit et défoncé. Le vieux nous montre avec sa canne un point sur la route vers Chorfa. «Vous voyez la verdure qui entoure le point d'eau, c'est une source qui coule et s'en va vers l'oued. A quelques mètres, les robinets sont secs des semaines durant. Voilà du travail pour les cravatés et autres costumés...» Au siège de l'APC, à 15 heures, tout est fermé. Devant le portail, un monsieur d'un certain âge est allongé. Nousdemandons à voir un élu. Croyant à une farce de mauvais goût, il s'enflamme et nous demande d'aller plaisanter ailleurs. Nous déclinons note identité. La discussion porte sur le Ramadhan, l'ambiance...«Thajmaith» ou le comité du village, reste la seule autorité chargée des opérations de solidarité. En plus des aides de l'Etat, des familles aisées, des immigrés, les commerçants consentent des dons qui, dans la discrétion la plus totale, sont remis aux nécessiteux. «C'est humiliant de donner un bidon d'huile et un sac de semoule à un pauvre et afficher son nom partout», commente un jeune. Le muezzin appelle à la prière du Asr. Nous revenons au centre du village et demandons des informations sur l'après-F'tour. «C'est la prière pour certains, le café pour d'autres et le loto pour une frange adepte des jeux de hasard.» Les lieux où se déroule ce jeu sont tenus secrets. «On peut devenir pauvre en une nuit puisque le seul gagnant dans l'affaire reste l'organisateur», nous dira un jeune. L'association culturelle du village, très active, envisage d'organiser des animations dès le début de la semaine prochaine. Pour résumer la philosophie qui domine dans ces coins de l'Algérie profonde, nous reprendrons les dires de ce vieux qui revenait de son potager sur son âne. «Ramadhan est une halte dans la vie. Ce mois nous permet de regarder derrière nous, de faire notre propre bilan. Nous devons nous rappeler ceux qui ne mangent pas à leur faim, nous devons penser à tout ceux qui sont partis entre deux Ramadhans, nous devons nous souvenir de nos malades... c'est ça Ramadhan. Ce n'est pas la bouffe, les jeux, les soirées.»