La surconsommation (elahf) et le gaspillage sont le lot du jeûneur. Dans le monde, environ le quart de la nourriture produite est jeté avant d'être entamé. Durant Noël, le gaspillage alimentaire augmenterait de 80% aux Etats-Unis. Ces chiffres aussi effarants qu'ils puissent l'être, ne doivent pas occulter la situation dramatique que nous vivons nous mêmes, surtout pendant le mois sacré du Ramadhan. En effet, qui d'entre-nous n'a-t-il pas eu un haut-le-coeur en passant près des poubelles collectives, ou ce qui y ressemble. Cette nausée ne provient pas uniquement des déchets ménagers d'origine alimentaire, ce qui serait à la limite normal, ce dégoût envahit nos coeurs par la vue des victuailles, des fruits entamés, des plats cuisinés...jetés souvent par les ménages, notamment ceux qu'on appelle les «nouveaux riches». Ces derniers ont passé une journée à dépenser sans retenue, à acheter le double, voire le triple de leurs besoins culinaires. Comme poubelles, des espèces de tombereaux énormes ont été installés près des quartiers populeux ou à l'entrée des cités, dégageant des odeurs nauséabondes car ils ne sont jamais nettoyés. Le look desquartiers en prend un sérieux coup. Ces émanations incommodantes sont générées par un début de fermentation des aliments jetés. Ce sont de véritables décharges publiques qui se sont ainsi constituées au fil des jours dans chaque coin de rue. Même l'entreprise de nettoyage Netcom, qui du reste est fort mal équipée, se plaint car dépassée par tant d'incivisme face aux volumes énormes de détritus qui parsèment les artères de nos villes. Un de ses employés raconte: «Nous réussissons à ramasser quotidiennement de grands sacs de pain, pas rassis, car il n'a pas eu le temps de le devenir, que nous revendons aux éleveurs de volailles. Avec ça, je peux offrir du kalbelouze à mes enfants..», conclut-il. En exagérant un peu, on est tenté de dire que l'on pourrait remplir un couffin presque «correct» si l'on s'amusait à ramasser les victuailles encore consommables jetées dans les poubelles. Celles-ci sont d'ailleurs devenues des haltes régulières pour ceux qui ont faim. Nombre de hères y enfouissent leurs bras et thorax à la recherche d'un morceau de poulet entamé ou d'un fruit. Ce qui est sûr, c'est que ce faisant, ils mangent «à leur faim». Dans nos poubelles, on peut trouver aussi des baguettes de pain entières, arrosées de restes de chorba, et de divers plats plus ou moins riches que trahissent les restes copieux qui sont encore consommables par le pauvre bougre qui fouine dans ces décharges juste pour se nourrir. Cette regrettable habitude de «jeter» découle d'une mauvaise gestion du budget familial et d'une piètre organisation alimentaire relevant d'une avidité sans limite aucune. Elle est observée lors des achats durant la journée et surtout pendant la période précédant la rupture du jeûne. Il y a lieu de relever que les repas du f'tour sont, hormis la sacro-sainte chorba, préparés et décidés au jour le jour. Ceci entraîne une désorganisation budgétaire regrettable à plus d'un titre. Excès des emplettes, des restes de la veille qui ne sont pas consommés et de l'avidité (elahf). Notons aussi que plus de 15% du volume global des importations sont alimentaires. Si les dernières statistiques font état d'un recul du volume des importations de l'ordre de 11%, force est de craindre que le Ramadhan ne fausse les calculs de par la surconsommation et le gaspillage effrénés constatés.