Ils ont fait le lien entre les événements qui secouent la région du Sahel et la résolution du conflit du Sahara occidental. Les chefs de la diplomatie française et espagnole jouent la même partition. Bernard Kouchner et Miguel Angel Moratinos se sont livrés à un bel amalgame en déclarant vendredi à Madrid, à propos du dossier du Sahara occidental, que si «ce contentieux venait à être résolu, la question du Sahel serait réglée elle aussi». Lier l'avenir d'un peuple à celui de l'existence d'un groupe terroriste et non des moindres puisqu'il ne s'agit ni plus ni moins que de la nébuleuse islamiste (Al Qaîda) qui sème encore la mort à travers la planète, il n'y avait qu'un pas à franchir. Les deux hommes l'ont fait! Tout en entretenant l'illusion de lutter efficacement contre ce phénomène. En effet, ils sont tout de même bien placés pour savoir que les gouvernements de leurs pays respectifs ont dû négocier avec les terroristes de la branche d'Al Qaîda au Maghreb pour libérer leurs ressortissants pris en otage. Ce fut le cas de Pierre Camatte pour la France, qui a été libéré le 23 février 2010 au Mali après que soit versée une rançon à ses ravisseurs. Puis ce fut au tour, il y a moins de deux semaines, de deux coopérants espagnols, Roque Pascual et Albert Vilalta qui avaient été enlevés le 29 novembre 2009 en Mauritanie puis détenus au Mali par Al Qaîda au Maghreb islamique (Aqmi), avant de rentrer chez eux contre le versement d'une rançon. Comment associer une telle démarche à un processus de décolonisation si ce n'est pour porter atteinte à l'authenticité d'un mouvement de libération nationale, en l'occurrence le Front Polisario. Et comment l'associer à des actes aussi condamnables quand on a fricoté soi-même avec des bandes de terroristes? S'il avaient vu la main du Polisario, cela aurait soulevé un tollé au sein de la communauté internationale. Qu'auraient-elles pu apporter de positif de telles opérations au peuple sahraoui si ce n'est du discrédit? C'est le but probablement de cette sournoise sortie médiatique. Il aurait été beaucoup plus courageux pour les deux ministres des Affaires étrangères de dénoncer la répression que subissent les militants des droits de l'homme dans les territoires occupés. Au contraire, les chefs de la diplomatie française et espagnole jouent la même partition: ils ont lié les événements qui secouent la région du Sahel à la résolution du conflit du Sahara occidental. Un amalgame savamment entretenu par les autorités marocaines qui, pour défendre leur projet de large autonomie, n'ont pas hésité à cultiver cette sordide «confusion». Bernard Kouchner et Miguel Angel Moratinos ont ajouté leur grain de sel. Sans doute pour faire plaisir à l'héritier du trône marocain. «La situation d'instabilité dont pourrait pâtir la région du Sahara et du Sahel risquerait de mettre sérieusement en péril non seulement l'avenir de cet ensemble géographique, mais également la sécurité et la stabilité régionale et internationale. Ce qui se passe actuellement dans le Grand Sahara est lié à la nature même du Polisario qui, composé d'un ramassis de mercenaires de divers pays, pourrait avoir dans un proche avenir, une propension belliciste», avait déjà déclaré en 2008, à l'agence de presse officielle marocaine MAP, Tajeddine El Houssaini, avocat et professeur des relations internationales à l'université Moham-med V de Rabat. Une campagne médiatique que le pouvoir marocain a tenté d'exporter à l'étranger sans succès et que les deux diplomates essaient perfidement de raviver. Au cours de leur rencontre, les responsables de la politique étrangère de la France et de l'Espagne ont souligné leur vision commune du conflit du Sahara occidental. Et quand bien même ont-ils souligné qu'il «est nécessaire de parvenir, à travers des négociations sous l'égide de l'ONU, à une solution juste, définitive et durable», il est important de signaler que la position française, à laquelle s'est ralliée l'Espagne, penche très nettement en faveur de la proposition marocaine. «La France, comme d'ailleurs le Conseil de sécurité, juge intéressante la proposition marocaine qui mérite d'être discutée», a déclaré Bernard Kouchner, dans une interview au magazine Jeune Afrique au mois de mars 2009. «Cette proposition d'autonomie constitue la base la plus pertinente pour sortir de l'impasse. La France encourage les négociations autour de la proposition marocaine...», a renchéri au début du mois de juillet le Premier ministre français, François Fillon, au cours d'un point de presse clôturant les travaux de la 10e Réunion de haut niveau franco-marocaine, à Paris. Une position qui mettra davantage dans l'impasse les négociations entre le Front Polisario et le Maroc.