Depuis qu'il a atteint une certaine notoriété, Karim Benzema est soumis au régime de la douche écossaise. Adulé à l'âge de 19 ans, transféré en grande pompe au Real Madrid à 21 ans, il a connu une adaptation difficile et s'est involontairement offert une année sabbatique pour assimiler tous ces événements. Paradoxalement, sa non-sélection pour la dernière Coupe du Monde de la FIFA, qui lui a évité le fiasco français en Afrique du Sud, lui a permis de rebondir. Remis en selle par Laurent Blanc, il lui a immédiatement renvoyé l'ascenseur en ouvrant le score en Bosnie-Herzégovine sur un exploit personnel. Il ne lui reste plus qu'à confirmer avec les Bleus et à séduire à Madrid un certain Jose Mourinho. Car à l'image de nombreux buteurs, Benzema a besoin de sentir la confiance de son entraîneur et de ses coéquipiers pour exprimer pleinement ses qualités. Dans le cocon lyonnais il a fait rapidement figure de surdoué, brillant en Ligue des champions de l'UEFA et empilant les buts en Ligue1 (66 en 148 matchs). Même chose en équipe de France où, après avoir frappé dans toutes les sélections de jeunes, il effectue ses débuts internationaux en mars 2007 à 19 ans à peine. Contre l'Autriche, il inscrit le but de la victoire en étant entré en jeu en seconde mi-temps. Tout va vite alors pour ce jeune surdoué. Trop sans doute. Mis en concurrence en sélection avec Thierry Henry, Nicolas Anelka ou André-Pierre Gignac, il n'arrive pas à trouver ses marques dans un système souvent chamboulé. Trop jeune pour faire entendre sa voix dans une équipe en déclin, il est aspiré vers le bas. Pire, on lui reproche parfois de ne pas s'intégrer, voire de créer des problèmes dans le groupe tricolore, notamment lors du désastre de l'UEFA euro 2008. «On a voulu me coller une étiquette, mais je n'ai jamais eu d'histoire, jamais eu de problème. On m'implique dans plein des polémiques et à la fin, quand la vérité sort, je n'ai rien à y voir», analyse Benzema avec le recul. «Des gens veulent me provoquer, me déstabiliser. C'est peut-être le fait que je sois un peu en avance qui a créé cette gêne.» Conscient de la nécessité de franchir un palier, il se lance un défi de taille en signant au Real Madrid, où il arrive en même temps que Cristiano Ronaldo et Kaka et retrouve Gonzalo Higuain et autres Raul. Star à Lyon, il n'est qu'un joueur de plus au Real. Le temps de trouver ses marques dans un vestiaire galactique, il est supplanté par Higuain. Son adaptation est d'autant plus difficile qu'il ne parle pas espagnol et est victime d'une pubalgie au milieu de la saison. Malgré cela, il dispute 27 matches de Liga, dont 14 comme titulaire, et marque 8 buts. Pas mal, mais insuffisant pour s'imposer dans la Maison Blanche. Deux hommes vont alors relancer le cours de sa carrière. L'arrivée de Jose Mourinho au Real permet de redistribuer les cartes. «Avec lui, tu es obligé d'être tout le temps à 100%´´. De toute façon, si je ne le suis pas, il sera toujours derrière moi pour corriger toutes mes erreurs. Il n'y a pas forcément une meilleure ambiance cette année, mais le groupe vit mieux», reconnaît Benzema obligé de se faire violence. Cette évolution ne pouvait échapper à Laurent Blanc. «C'est un joueur important. Il a le potentiel pour marquer des buts, chose qu'il n'y a pas tellement en équipe de France», analyse le nouveau patron des Bleus. «Les défenseurs adverses savent qu'il peut créer le danger à tout moment. Il fait du bien à son équipe et fait perdre confiance aux adversaires sur sa seule présence. C'est un atout indéniable.» Installé dans le fauteuil de buteur contre la Bosnie-Herzégovine, Karim Benzema a répondu aux attentes placées en lui en réussissant un geste de grande classe. «Il a fait un supergeste. Son but nous a libérés d'un poids», estime Florent Malouda, en référence à la superbe roulette en pleine surface de son coéquipier, avant d'enchainer par une frappe du gauche victorieuse.