Au-delà de l'aspect technique de cette procédure, la décision porte une connotation politique très significative. Les budgets sectoriels seront soumis au contrôle de la Cour des comptes. Cette institution sera consultée sur les avant-projets annuels de loi de règlement budgétaire. Les rapports d'appréciation qu'elle établit à cet effet au titre de l'exercice considéré sont transmis par le gouvernement au Parlement pour adoption. En termes plus simples, les dépenses des ministères seront soigneusement examinées et analysées par la Cour des comptes avant qu'elles ne soient débattues par les parlementaires. C'est ce que prévoit l'ordonnance n°10-02 modifiant et complétant l'ordonnance n°95-20 relative à la Cour des comptes parue jeudi dans le Journal Officiel. La copie élaborée par les techniciens et les conseillers de chaque ministère sera revue et s'il le faut corrigée par les conseillers de la Cour des comptes. Cela donnera, selon les observateurs, plus de crédibilité aux bilans sectoriels. Mais au-delà de l'aspect technique de cette procédure, la décision porte une connotation politique très significative. Le Président Abdelaziz Bouteflika a promis plus de rigueur dans la gestion des dépenses publiques pour les cinq prochaines années. Fini le gaspillage, fini les réévaluations inutiles des projets qui affaiblissent les caisses de l'Etat. S'adressant au gouvernement lors d'un Conseil des ministres tenu en mai, il a ordonné que chaque secteur veille à une bonne maturation des projets afin d'écarter leur réévaluation, soulignant que le Trésor public enregistre à travers ce programme, la mobilisation de toutes ses capacités. «Chaque secteur rendra compte annuellement, de l'exécution diligente de son propre programme et nous procéderons annuellement, à l'appréciation de la situation financière du pays pour, le cas échéant, tenir compte de nos moyens financiers, car nous excluons par avance tout recours à l'endettement extérieur.» Abdelaziz Bouteflika promet d'accompagner aussi, cette importante dépense publique de développement, avec la rigueur nécessaire, pour bannir tout excès et surtout tout gaspillage dans le fonctionnement de l'Etat et des collectivités locales. Ce rappel prend l'allure d'un avertissement, d'autant plus que l'actuel gouvernement est éclaboussé par plusieurs scandales. Ce rappel à l'ordre intervient alors que l'Algérie consacre des dépenses exceptionnelles au développement lors des cinq prochaines années, soit 286 milliards de dollars. Rappelons que le programme d'investissement public retenu pour la période 2010-2014 concerne deux volets, à savoir le parachèvement des grands projets déjà entamés, notamment dans les secteurs du rail, des routes et de l'eau, pour un montant de 9700 milliards DA (soit 130 milliards de dollars), et l'engagement de projets nouveaux pour un montant de 11.534 milliards DA (soit près de 156 milliards de dollars). Toujours dans le cadre du contrôle des dépenses publiques, le Premier ministre avait annoncé la création d'une nouvelle commission de lutte contre la corruption. Elle sera composée de conseillers juridiques (magistrats) placés au niveau des ministères et des institutions économiques. Leurs principales missions étant de s'assurer que l'octroi de marchés publics se déroule dans le strict respect de la loi. Ces magistrats disposent de larges prérogatives, parmi lesquelles, l'on citera la possibilité de saisir la justice. La décision avait soulevé toutefois, plusieurs interrogations. Le Président et son Premier ministre, Ouyahia, n'ont-ils pas assez confiance en leurs ministres, au point de décider de placer des magistrats (indépendants) pour s'assurer de la bonne gestion des marchés publics? L'on insiste sur le mot (indépendant) puisque, comme tout le monde le sait, le poste de conseiller juridique existe déjà au niveau de tous les départements ministériels. Notons enfin que l'article 30 de ladite ordonnance prévoit la création d' une chambre spécialisée dans la prise en charge des dossiers de discipline budgétaire et financière dont elle est saisie. Elle effectue tous actes d'investigation jugés nécessaires. Elle est organisée en formation d'instruction et en formation de jugement.