Les gouvernements sont-ils adeptes de la transparence budgétaire ? Telle était la question au centre d'une enquête effectuée auprès de 59 pays par le Projet Budgétaire International (IBP), un centre de recherche basé aux Etats-Unis, qui travaille avec les organisations de la société civile, pour évaluer l'accès du public à des informations correctes et à jour sur le budget de l'Etat. La facilitation de l'accès du public à l'information budgétaire gouvernementale a fait l'objet d'un intérêt croissant lors des deux dernières décennies. La communication de l'information sur les activités financières et budgétaires du gouvernement est en effet de plus en plus considérée comme essentielle pour rendre les gouvernements comptables devant leurs citoyens. Aussi, la disponibilité de l'information budgétaire permet-elle aux citoyens de mieux comprendre les décisions politiques qui affectent leur vie quotidienne notamment dans le domaine fiscal et elle aura comme conséquence de les rendre acteurs actifs dans le processus de développement. Certes, il y a seulement dix ans, la société civile était effectivement exclue du processus budgétaire dans l'ensemble du monde. L'expérience de l'IBP dans ce domaine a démontré qu'un engagement plus accentué du citoyen dans la budgétisation publique peut être à l'origine d'améliorations substantielles de la gouvernance et de réductions de la pauvreté. Par exemple, selon l'IBP, en Afrique du Sud, le travail de la société civile avec le parlement a permis de faire pression sur le gouvernement pour qu'il augmente l'allocation budgétaire destinée à aider les enfants des familles pauvres ou à faibles revenus, et qui constitue le fonds principal du filet de sécurité sociale. Aussi, en Argentine et au Kenya, l'implication de la société civile dans le budget a-t-elle permis d'améliorer l'engagement effectif du parlement et de la cour des comptes dans la surveillance budgétaire. Cependant, malgré les progrès accomplis autour du monde, l'engagement de la société civile dans le processus budgétaire est fondamentalement entravé par le manque d'accès à l'information budgétaire et par le peu d'opportunités qui existent pour s'impliquer dans le processus budgétaire. Alors que la budgétisation publique implique la collecte et l'allocation de ressources publiques, le manque ou la rareté d'information empêchent souvent les citoyens de surveiller ou d'influencer ce processus. Devant cette situation, l'IBP en collaboration avec ses partenaires ont développé l'Index sur le Budget Ouvert afin de mettre en lumière ce problème et d'y faire face. Cet Index peut-être considéré comme un indicateur pour mesurer de façon systématique dans quelle mesure les pays fournissent aux citoyens des informations sur l'utilisation des ressources publiques. Il vise également à dispenser aux gouvernements des recommandations pratiques sur la manière d'améliorer la transparence budgétaire. Cet Index est issu de l'enquête composée de 122 questions à choix multiples, pour collecter des informations comparatives sur l'accès public à l'information budgétaire et sur les pratiques budgétaires des gouvernements centraux. La majorité des questions requiert des réponses concernant les pratiques actuelles de transparence budgétaire ; quelques questions s'intéressent aux dispositions légales. Cette enquête offre un regard indépendant, non gouvernemental sur la transparence budgétaire du gouvernement central. 1. Structure du Questionnaire Le questionnaire sur le budget ouvert est composé de trois sections. La première section du questionnaire contient une série de quatre tableaux qui cherchent à examiner l'accès et la distribution des documents clés du budget national. La deuxième et la troisième parties du questionnaire contiennent un total de 122 questions, regroupées en deux principales catégories : la proposition budgétaire de l'exécutif et le processus budgétaire. La deuxième section cherche à faire le constat des types d'informations qui sont fournies par la proposition budgétaire de l'exécutif, ainsi qu'à offrir des informations supplémentaires pour aider à rechercher et à analyser les données présentées dans le budget. La troisième section évalue l'ouverture des quatre phases du processus budgétaire : formulation du budget par l'exécutif, approbation législative du budget, application du budget par l'exécutif et rapport de fin d'année de l'exécutif et de la Cour des comptes. En d'autres termes, elle examine comment le budget est formulé et adopté, et s'intéresse ensuite aux informations qui sont fournies pour présenter le budget une fois qu'il est appliqué, puis complètement réalisé. La moyenne des réponses aux 91 questions du questionnaire évaluant l'accès public à l'information budgétaire forme l'Index sur le Budget Ouvert. Les 31 questions restantes concernent des sujets que les organisations de la société civile considèrent tout aussi importants que l'accès à l'information : la participation publique dans les débats budgétaires, le renforcement du contrôle législatif et l'existence de solides institutions de contrôle indépendantes. Le Questionnaire évalue de cette manière la quantité d'informations accessibles au public dans les sept documents budgétaires essentiels que tous les pays devraient publier au cours de l'année budgétaire. Il s'agit : Du projet de budget de l'exécutif Du budget des citoyens, c'est-à-dire une présentation simplifiée du budget pour en faciliter la compréhension par tout le monde Du rapport préalable au budget Des rapports en cours d'année Du rapport de milieu d'année Du rapport de fin d'année Du rapport d'audit Ces documents budgétaires devraient être une source suffisante pour permettre au public d'avoir une image complète du budget et des activités financières d'un gouvernement. " L'attention portée à l'information accessible au public confère à ce questionnaire toute son originalité. Une fois la moyenne des réponses calculée, un résultat en pourcentage a été utilisé pour placer chacun des pays dans une des cinq catégories de performance. Ces catégories ont été divisées comme suit : " un pays avec un résultat de 81 à 100% indique que le gouvernement " fournit une information étendue aux citoyens ", " un résultat de 61 à 80% indique que le gouvernement " fournit une information significative aux citoyens ", " un résultat de 41 à 60% indique que le gouvernement " fournit une certaine information aux citoyens ", " un résultat de 21 à 40% indique que le gouvernement " fournit une information minimale aux citoyens ". L'Algérie se trouve dans cette catégorie de pays, soit à la 39e place. " Enfin, un résultat inférieur à 20% indique que le gouvernement " fournit de rares informations, ou ne fournit pas d'information du tout aux citoyens ". 2. Principaux résultats sur la disponibilité de l'information budgétaire Présenter une information pertinente, opportune et complète, à chaque étape du cycle budgétaire est nécessaire pour assurer la responsabilité du gouvernement devant les citoyens. Les résultats de l'Index sur le budget ouvert pour 2006 suggèrent que 90% des pays couverts par l'enquête (au nombre de 59) ne remplissent pas ces critères. Seul un nombre très limité de gouvernements a obtenu un résultat particulièrement bon dans l'enquête. La France, la Nouvelle Zélande, la Slovénie, l'Afrique du Sud, le Royaume-Uni, et les Etats-Unis, fournissent des informations budgétaires " complètes " dans leurs documents budgétaires ". Mais, l'aspect préoccupant provient des 23 pays (39% de l'ensemble des pays enquêtés) qui ne fournissent sur le budget de leurs pays que des informations 'minimales' ou 'rares ou n'en fournissent pas'. L'Algérie est dans cette situation et occupe la 39e place sur un nombre de 59 pays enquêtés. Une analyse par pays de l'index montre selon l'IBP que des pratiques solides de transparence sont possibles à la fois dans les pays développés et ceux en développement. La Slovénie comme l'Afrique du Sud, par exemple se caractérisent par des améliorations très importantes de la transparence budgétaire, sur une période de temps relativement courte. Il est mentionné également que le niveau de transparence budgétaire d'un pays est fortement influencé par la volonté du gouvernement d'être comptable devant ses citoyens, et que le manque de capacité pour produire des informations n'est pas une contrainte déterminante. Autrement dit, " les pays qui ont obtenu les plus faibles résultats au sein de l'Index sur le budget ouvert ne peuvent se réfugier derrière l'excuse des contraintes liées à la capacité ". Des progrès dans l'amélioration de la transparence peuvent être réalisés sur une courte période de temps et avec des ressources relativement limitées. Enfin, dans de nombreux pays deux autres faiblesses du système budgétaire sont observées. 3. Les systèmes budgétaires manquent souvent de mécanismes de contre-pouvoir En effet, les résultats de 1'enquête sur les mécanismes de responsabilité gouvernementale au sein du processus budgétaire font apparaître des lacunes. Les réponses à 1'enquête soulignent que dans un grand nombre de pays, ni 1'exécutif ni le parlement ne semblent disposés à utiliser toutes les opportunités juridiques et réglementaires en vigueur pour faire participer les citoyens et les informer sur le projet de budget. L'enquête révèle aussi des faiblesses profondes et substantielles dans les institutions externes de contrôle. Le rôle de la cour des comptes est particulièrement crucial dans la surveillance externe de la gestion financière de 1'exécutif. Un nombre significatif de pays (17) ne publie pas du tout de rapport d'audit. Le dernier Rapport Annuel de la Cour des comptes en Algérie remonte à 1996-1997 (JORA n°12 du 28 février 1999). Dans 16 pays, Algérie compris, 1'exécutif peut renvoyer le président de la Cour des comptes sans l'approbation du parlement ou du pouvoir judiciaire. Cela pose un problème sérieux de 1'indépendance de 1'institution de contrôle par rapport à 1'exécutif. 4. L'accès des citoyens à l'information reste à améliorer Dans plus de la moitié des pays enquêtés (32), le gouvernement ne met pas a la disposition du public les informations qu'il produit déjà pour une utilisation interne. Ainsi, de nombreux pays pourraient améliorer fortement leur transparence budgétaire simplement en diffusant les informations déjà produites au niveau des principales institutions publiques qui participent à l'élaboration et au contrôle budgétaire. Enfin, dans le rapport il est noté que ce manque d'information est confirmé par le fait que " quand les gouvernements ne fournissent pas les informations au public, c'est généralement parce qu'ils font le choix de les conserver ! et non parce qu'ils n'ont pas les moyens de les produire ". C'est tout le problème des bonnes pratiques pour améliorer la performance budgétaire qui est posé à travers une plus grande transparence budgétaire. Zine M. Barka. Université de Tlemcen Faculté des sciences économiques et de gestion