A l'occasion de la Journée internationale de la femme rurale célébrée hier, la ministre déléguée chargée de la Famille et de la Condition féminine, Nouara Djaâfar, s'explique dans cet entretien sur les contraintes et les avancées réalisées par la femme en Algérie. L'Expression: La femme rurale a célébré hier sa journée internationale, pouvez-vous nous faire le point sur la situation de la femme rurale en Algérie? Mme Nouara Djaâffar: La femme rurale, en reconnaissance de son rôle dans le développement, il a été décidé de lui accorder une journée internationale. Dans notre pays, on ne peut pas occulter le rôle joué par les femmes rurales dans la satisfaction des besoins des ménages et leur contribution dans le développement de la production agricole et des différentes activités. La femme rurale représente 50% de la population rurale estimée à 11,4 millions d'habitants, selon le dernier recensement. Durant ces dernières années, on peut dire que la situation de la femme rurale a connu une amélioration, et ce, grâce aux différents programmes et des mesures d'incitation visant à favoriser leur accès aux plans d'action lancés par le ministère de l'Agriculture. Il y a une nouvelle vision qui consiste à donner à la femme rurale le rôle qui lui revient dans le paysage économique. Elle est un acteur incontournable dans le développement rural. La politique du Renouveau rural axe justement sur son intégration à travers sa participation dans le développement des projets de proximité. Peut-on avoir quelques chiffres sur l'activité de la femme rurale? Les femmes agricultrices sont au nombre de 38.000 qui ont la carte d'agricultrice. Elles bénéficient d'aide et de crédit pour le montage de leurs propres projets. Comme elles bénéficient de programmes de formation. La femme rurale en Algérie représente plus de 40% de la population féminine. Elle active dans plusieurs créneaux tels que la production laitière, la conservation et conditionnement des fruits et des légumes, l'élevage et le tissage. Beaucoup des microentreprises ont été créées dans le cadre de l'Ansej. Nous travaillons en étroite collaboration avec plusieurs secteurs tels que la formation professionnelle, l'éducation, le travail et l'agriculture pour propulser l'action de la femme rurale et rendre visible la production féminine qui reste méconnue. Cela est dû, à mon avis, aux différents problèmes que rencontre la femme. Je crois que l'émergence d'associations professionnelles dans le monde rural peut mettre en valeur ses activités. Il y a une commission au niveau du secteur de la formation professionnelle qui organise chaque année une conférence nationale regroupant les différents partenaires de la société civile. Une enquête menée par le département de l'agriculture fait ressortir qu'il y a 2,5 millions de travailleurs exerçant au niveau d'un million d'exploitations agricoles. Les hommes représentent 44% et il y a 460.003 femmes chefs d'exploitation, soit 4,7%. Dans les coexploitations, il y a 468.000 exploitants dont 32.585 femmes, soit 7%. Les femmes ouvrières, elles, sont plus de 142.000, soit 6% de l'emploi agricole total. C'est très insuffisant, mais il ne faut pas perdre de vue qu'il y a beaucoup de femmes qui travaillent mais elle ne sont pas déclarées. Notre objectif justement est de les intégrer dans le circuit agricole. Parlez-nous de ces difficultés Comme je l'ai déjà souligné, il y a un problème de non-visibilité de sa production qui est un élément de taille. Je cite aussi celui de la commercialisation de ses produits dû à l'absence de l'accès aux crédits. Les femmes rencontrent des difficultés pour contracter des crédits, et ce, en raison du manque d'information sur les dispositifs d'aide à l'insertion rurale. Dans ce cadre, en collaboration avec le ministère de l'Agriculture, nous encourageons les femmes à la production agricole en leur facilitant l'accès à la formation. Il y 1000 vulgarisatrices qui sont chargées de la sensibilisation et de l'accompagnement des femmes dans la réalisation de leur projet. Quelle est votre appréciation sur le niveau atteint par la femme aujourd'hui? Je pense qu'en faisant une rétrospective sur l'évolution de la femme, on constate qu'un grand parcours a été réalisé. La femme est présente en force aujourd'hui dans plusieurs domaines. Il y a même une avancée sur le plan politique. Le président de la République a exprimé sa volonté à travers l'amendement de l'article 31 de la Constitution consacrant la promotion de la femme dans la vie politique. Certes, au niveau des assemblées élues, il y a peu de femmes, mais je pense que le Président a fait la preuve en élevant une femme au grade de générale et en renforçant sa présence au niveau du Sénat. Il reste aux partis politiques de jouer le jeu. J'espère que la loi organique portant sur l'implication de la femme dans la vie politique assure au moins à 30% sa présence au niveau des instances élues pour lui permettre de s'imposer comme une force critique. Les femmes sont également majoritaires dans l'éducation, plus de 62% de filles sont à l'université. Le nombre des femmes magistrats s'élève à plus de 30%; c'est une véritable avancée. Aucun pays arabe n'a atteint ce niveau-là. Le harcèlement sexuel, la violence à l'égard des femmes prennent des proportions alarmantes, pensez-vous que la loi assure une protection à la femme? La loi protège suffisamment mais les moeurs subsistent. Je crois que c'est une question de valeurs et de respect. Beaucoup de femmes n'osent pas porter plainte et ce, même si la loi condamne ce genre de fléau. A mon avis, la loi à elle seule ne suffit pas, c'est une question d'éducation. Nous avons même engagé une stratégie sur la violence à l'égard de la femme. Des campagnes de sensibilisation ont été lancées pour lutter contre ce fléau. Je pense que nous avons réussi à casser un tabou. L'Algérie est classée au niveau moyen et nous sommes loin des pays où une femme meurt toutes les trois minutes. Le Code de la famille nécessite-t-il une révision, selon vous? Il y a une demande actuellement, mais ce qu'il faut, c'est une application correcte des textes.