La pièce de rechange est le produit favori des importateurs indélicats. Police, gendarmerie et douanes s'avèrent impuissants devant ce trafic. Les contrebandiers redoublent d'ingéniosité pour contrecarrer les méthodes de lutte contre la contrefaçon appliquées par les Douanes. C'est Fadila Ghodbane, sous-directrice de la lutte contre la contrefaçon aux Douanes, qui a fait hier cette déclaration à L'Expression. C'était en marge d'un séminaire sur la propriété industrielle organisé à Alger par le ministère de l'Industrie. La même responsable s'est abstenue d'avancer un quelconque chiffre sur le manque à gagner pour les recettes des Douanes suite à l'importation des produits de contrefaçon, secteur échappant par définition à toute emprise des institutions officielles. Même le ministre de l'Industrie, Mohamed Benmeradi, n'a pas été en mesure de quantifier les effets de la contrefaçon et de la piraterie sur l'économie de l'Algérie. Le ministre avait organisé un point de presse en marge de cette rencontre pour expliquer que le pays ne cesse de renforcer sa législation et ses moyens matériels pour lutter contre ce phénomène. Il a exclu toute ambition d'en venir à bout. La représentante des Douanes a, quant à elle, clairement pointé du doigt la Chine et les Emirats arabes unis comme lieux de provenance des produits contrefaits. Les médicaments, les produits alimentaires, l'électroménager et les cosmétiques sont les produits les plus prisés par les trafiquants à côté des pièces de rechange. Ils constituent un grand danger pour les consommateurs, a ajouté Fadila Ghodbane. Les détenteurs de marques ont déposé plusieurs plaintes auprès de la justice, même si la démarche n'est pas appliquée par toutes les victimes des fraudes: les délais étant longs avant d'obtenir un jugement. Pour preuve, il est constaté que 100 affaires sont toujours devant les tribunaux depuis 2008 et sont en attente de jugement. D'autres affaires ont, par contre, vu leur dénouement au sein de cette instance. Le fait qu'un jugement mette entre trois à quatre ans pour être prononcé n'est pas sans poser quelques problèmes aux Douanes. Qui paie les frais d'emmagasinage et de destruction? s'interroge notre source. Faut-il que les Douanes ou le Trésor public se chargent de cette dépense? Une quête est lancée auprès du ministère de la Justice pour tenter d'accélérer les procédures de jugement mais cette démarche n'a pas encore abouti. Des conteneurs entiers sont alors déposés dans les dépôts des Douanes situés à Sidi Moussa dans la wilaya de Blida. Leur contenu est en attente de destruction ou de vente aux enchères publiques. Des difficultés d'une autre nature entravent l'action des Douanes. Dès qu'il y a une alerte sur l'importation d'un produit contrefait comme la pièce détachée, les importateurs se donnent le mot pour se rabattre sur d'autres marchandises où la surveillance est moindre. Cette quasi-impuissance à juguler le phénomène de la contrefaçon et de la piraterie est renforcée par l'attitude des consommateurs qui n'hésitent pas à acquérir des produits bas de gamme. D'ailleurs, ce ne sont pas toujours les moins chers. Des produits contrefaits peuvent être cédés à des tarifs similaires aux produits d'origine, ce qui contribue à tromper davantage le consommateur qui est pénalisé deux fois: la première sur l'authenticité du produit et la seconde sur le prix. S'agissant des moyens matériels et humains dont disposent les Douanes pour s'acquitter de leur tâche notre interlocutrice souligne que les analyses des échantillons sur lesquels existe un doute de contrefaçon sont effectués par des laboratoires à l'étranger à l'initiative des détenteurs des marques. Pour donner la mesure des difficultés de faire front à ce phénomène, Fadila Ghodbane dit que l'Algérie s'y prend avec les moyens du bord, qui sont forcément moins sophistiqués que ceux des pays du Nord. Sans l'aide du scanner ou la fouille des douaniers, il n'y a aucun autre moyen d'empêcher les conteneurs de produits contrefaits de franchir la frontière. Et ces contrôles sont loin d'être systématiques, ce qui s'oppose à la quantification du phénomène. Les prérogatives des Douanes sont pourtant renforcées depuis la loi de finances 2008. Mais pas jusqu'au point de leur conférer le droit de juger si un produit est contrefait ou non. Pour cela, c'est la justice qui doit statuer. Pendant ce temps, il est constaté que l'Algérie est la proie de la contrefaçon. Rien que pour les logiciels, 80% d'entre eux sont piratés.