C'est à l'Ecole nationale des douanes (END) d'Es-Sénia (Oran) que la direction générale des douanes a réuni, hier, ses cadres et ceux représentant l'Institut national algérien de la propriété industrielle (Inapi), l'Organisation mondiale des douanes (OND), l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (Ompi) pour réfléchir sur les moyens de lutte à adopter contre le phénomène de la contrefaçon. Le constat chiffré fait par Mme F. Ghobdane, inspectrice divisionnaire chargée des dossiers de la contrefaçon à la direction générale des douanes, donne le tournis. Pour l'année 2005, 298 102 produits de contrefaçon, concernant aussi bien la maroquinerie que les produits de cosmétique, ont été saisis à travers le territoire national au cours de l'année 2005, alors que 147 178 articles de pièces de rechange contrefaites constituées essentiellement de bougies d'allumage et de produits électroménagers, ont été saisis par les services des Douanes algériennes en 2006. Cette rencontre nationale sur la propriété industrielle et les pratiques douanières dans le cadre de la lutte contre la contrefaçon a démontré les limites de l'action douanière en matière de lutte contre la contrefaçon. À cause justement de l'absence du délit de pénalisation, les contrefacteurs redoublent d'ingéniosité pour inonder de produits contrefaits le marché national. Il ressort de ce constat que plus de 199 000 cartouches de cigarettes contrefaites de marque Marlboro ont été écoulées au cours de l'année en cours. Une situation qui nécessite une révision en profondeur sur les moyens d'intervention en matière de répression de la contrefaçon lors des contrôles des marchandises à l'exportation et lors des contrôles effectués dans le rayon des douanes. Dans ce contexte, l'infraction de la contrefaçon sera érigée en délit douanier puisque l'article 22 parle de prohibition, et les sanctions seront aggravées. Ainsi, les contrefacteurs seront désormais passibles de la confiscation des marchandises contrefaites, en plus d'une forte amende assortie d'une peine d'emprisonnement de 2 à 6 mois. Au chapitre des tendances de produits contrefaits par pays de provenance, la Chine est le premier pays d'exportation prédominant des contrefaçons, avec 52,94 % de produits retenus en douanes en provenance de ce pays qui fournit les articles contrefaits touchant à la pièce de rechange pour véhicules, suivis des produits électroménagers et les cosmétiques. La pièce de rechange pour véhicules automobile représente 27,67% de l'ensemble des articles retenus en douane. Les marques concernées par la contrefaçon sont Valéo, Cogefa, Bendix, CFA, Toyota, Automotor et Renault. Les Emirats arabes unis est le deuxième pays d'exportation de contrefaçon vers l'Algérie avec 35,29% des articles retenus en douane, suivis de la Turquie et de l'Italie avec 5,88% de produits contrefaits. À ce constat chiffré, vient s'ajouter un nouveau domaine touché par la contrefaçon, celui de la joaillerie. Nous apprenons à ce sujet que les services des douanes au niveau de l'aéroport Houari-Boumediene ont opéré une saisie d'articles en or dont les modèles sont contrefaits. Ces articles de bijouterie en or en provenance d'Italie représentent 2,54% de l'ensemble des retenues en douane. Phénomène d'envergure internationale, la contrefaçon concerne tous les secteurs d'activité économique susceptibles d'engendrer d'énormes profits. Cette “industrie du faux” est souvent une manière pour les trafiquants de blanchir des fonds provenant de la contrebande et du trafic des stupéfiants. M. Christophe Zimmerman, chef de l'unité de lutte contre la contrefaçon et la piraterie à l'Organisation mondiale des douanes, brosse un bref tableau sur l'intensité de nuisance des organisations criminelles. Selon l'intervenant, 500 milliards de dollars sont annuellement injectés par les milieux du crime organisé dans les produits de contrefaçon touchant aux médicaments, les DVD, les CD. “Il n'existe pas d'organisation de lutte contre la contrefaçon, seuls subsistent quelques organismes qui tentent tant bien que mal de lutter contre le phénomène de la contrefaçon”, a observé M. Zimmerman qui annoncera que “400 000 CD contrefaits fabriqués en Ukraine ont transité par l'Allemagne, avant d'être écoulés sur le marché africain”. Selon M. Mourad Sadou, directeur des brevets à l'Institut algérien de la propriété industrielle (Inapi), le code de la propriété industrielle renvoie au code pénal en ce qui concerne la responsabilité des personnes morales qui peut être mise en œuvre. De cette infraction, se distingue l'apposition de marque qui consiste à placer sous marque authentique un produit qui n'a pas droit à cette marque. C'est dans ce cadre précis qu'intervient l'Inapi qui a enregistré, durant l'année en cours, 550 dépôts de brevet, 600 dépôts de marque, 250 modèles de dépôt, 2 000 brevets en cours de finalisation et 100 000 enregistrements contre l'usurpation du droit de propriété industrielle. En définitive, l'adoption du délit de pénalisation s'est adaptée à l'imagination des contrefacteurs pour mettre un arsenal répressif pragmatique dont la portée demeure limitée, les victimes préférant souvent régler leur litige devant les tribunaux civils en obtenant de substantiels dommages intérêts susceptibles, à leurs yeux, de réparer le préjudice causé. B. Ghrissi