Ce n'est pas un hasard du calendrier si le mouvement des walis a été suivi par celui des chefs de sûreté de wilaya. Pour sa première conférence de presse tenue dimanche dernier en marge de la réunion qu'il a eue avec l'ensemble des chefs de sûreté de wilaya du pays, le Dgsn, Abdelghani Hamel, a été percutant avec les journalistes. «La police ne communique pas, elle informe», précise-t-il. Pour bien marquer la nuance il ajoutera: «Je sais que vous comprenez très bien la différence qu'il y a entre information et communication.» Tout un programme. En effet, durant toute la rencontre et hormis le discours d'ouverture, le Dgsn a eu des réponses brèves et concises aux questions des journalistes. «Les citoyens se plaignent des caméras de surveillance installées dans la capitale...», questionne une consoeur. «A qui se sont-ils plaints et de quoi peuvent-ils bien se plaindre puisque les caméras ne sont pas encore mises en exploitation?», réplique-t-il sans ménagement. «A quand l'éradication des gardiens de parkings sauvages?» ose un autre journaliste. «Il n'est pas question d'éradication mais d'absorption du phénomène tout comme pour les vendeurs sur la voie publique», rectifie-t-il. Le ton est ferme et le verbe haut. C'est le militaire qui parle. «Je vous conseille de vous rapprocher toujours des structures de communication des sûretés de wilaya avant d'écrire vos articles. Il y va de votre crédibilité!» 18 mois avant les législatives Voilà pour l'ambiance du premier contact du Dgsn avec les journalistes. Il nous faudra faire des efforts pour passer à des questions plus fouillées et en rapport avec la politique globale de sécurité urbaine lors de la prochaine rencontre avec lui. Cela dit, M. Hamel a, dans son discours, tracé les grandes lignes de la nouvelle orientation qu'il compte imprimer à la Police nationale. «Professionnalisation»,«modernisation», «mobilité» et «réorganisation» sont les principaux axes qu'il a évoqués. Mais avant d'essayer de les développer, arrêtons-nous sur le mouvement des chefs de sûreté de wilaya qui vient d'être opéré. Ce n'est pas par un hasard du calendrier que celui-ci a été décidé au lendemain du mouvement des walis. Il vient plutôt le compléter. Il s'agit pour le gouvernement d'asseoir, sur l'ensemble du territoire, les meilleures conditions d'une nouvelle étape dans la reconstruction du pays. Il y a bien sûr le plan quinquennal 2010-2014 qui ne peut s'engager sans un rétablissement effectif de l'autorité de l'Etat, et qu'il faudra de plus le mettre à l'abri des travers qui risquent de le compromettre comme la corruption, pour ne citer que ce fléau. Parallèlement il y a des échéances électorales comme les législatives dans 18 mois et les municipales un peu plus tard. Cela peut paraître à certains comme des échéances lointaines mais quand on sait que le nouveau Code communal et celui de la wilaya devront être adoptés et mis en application bien avant, on saisit mieux la nécessité de mettre, d'ores et déjà, en place tous les moyens nécessaires à ces opérations. Le mouvement des chefs de sûreté de wilaya n'est en fait qu'une parcelle de ces moyens car le Dgsn a annoncé dans son discours qu'un «redéploiement organisationnel» de la Sûreté nationale est prévu «dans un proche avenir». Une réorganisation indispensable pour une institution dont les effectifs ont doublé. Ce qui n'est pas sans poser des problèmes au moins de répartition dans les différents services. Le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, M.Daho Ould Kablia, l'avait d'ailleurs fait remarquer lors de l'installation de M.Hamel à la tête de la police il y a peu. «Si aujourd'hui nous avons 73% des sûretés de daïra, nous avons une couverture de seulement 46% pour les sûretés urbaines, soit 567 pour 1541 communes», avait-il précisé. Il y a du pain sur la planche pour les chefs de sûreté de wilaya nouvellement installés. D'où cette autre exigence de «mobilité» marquée tout récemment par la signature de convention entre la Dgsn et Air Algérie ainsi qu'avec l'Enmtv. 11.000 femmes policières Elle s'annonce intense et proportionnelle aux effectifs pour permettre «au policier de Souk Ahras de rejoindre son poste à Maghnia» comme l'a cité à titre d'exemple M. Hamel, lors de sa conférence de presse. Des déplacements auxquels il faudra ajouter les familles du fonctionnaire et ses périodes de congé. C'est un grand chantier qui attend le Directeur général de la Police nationale. Pour le mener à bien, il a commencé par le choix rigoureux des responsables qui le suivront dans chacune des wilayas du pays. Il l'a fait exclusivement parmi les universitaires de moins de 50 ans, qui sont passés par des services opérationnels et avec un dossier vierge de toute sanction disciplinaire. Ce qui donne une idée du chantier qui sera mené au pas de charge et avec méthode. On peut s'étonner de l'absence de femmes dans le mouvement des chefs de sûreté de wilaya. A ce sujet, le Dgsn a regretté ne pas avoir eu de candidatures de femmes ayant été opérationnelles car «la priorité n'est pas de gérer administrativement les sûretés de wilaya», a-t-il souligné. Une autre raison existe, celle de la proportion de femmes dans l'effectif total des policiers. Les chiffres avancés par le ministre de l'Intérieur lors de l'installation (en juillet dernier) du Dgsn sont éloquents. Il y a seulement 11.000 policières sur un total de 164.207 agents. Ce qui réduit d'autant plus le choix. Quoi qu'il en soit, il est presque certain et surtout logique que ce mouvement sera suivi par un autre qui touchera les chefs de sûreté de daïra. Son ampleur permettra sûrement l'introduction de l'élément féminin. On ne peut terminer sans aborder ce qu'il est communément appelé «crise» qu'à vécue l'institution à travers les multiples affaires ayant conduit des responsables de la Sûreté nationale devant la justice. On peut, pour faire court, et sans se tromper, avancer qu'il s'agit d'une «crise» de croissance. C'est pour la surmonter que le «redéploiement organisationnel», comme l'a annoncé M.Hamel dans son discours, a été décidé par le président de la République. Un redéploiement adossé à la très prochaine adoption du statut du policier. Un statut valorisant qui «répondra aux attentes des hommes et des femmes de la Sûreté nationale», a affirmé le Dgsn à la fin de sa conférence de presse. Sans oublier la création rapide du conseil de l'éthique du policier, annoncé par M.Ould Kablia. Avec un style qui lui est propre, Abdelghani Hamel n'aura pas beaucoup de peine à imprimer à la Sûreté nationale une nouvelle dynamique. Appelons-le, sans entrer dans trop de détails, le style Hamel.