L'injustice est une arme redoutable, elle a souvent servi de combustible à l'action de ce gourou de la communication. Comment décrire en quelques lignes, Ahmed Fattani? L'exercice paraît difficile quand on veut éviter le ton dithyrambique. Mais le portrait du personnage se laisse aisément dessiner lorsqu'on sait le manager efficace et rigoureux: un meneur d'hommes qui tolère mal la seconde place. Et le dicton: «Le premier dans mon pays plutôt que le second à Rome» pourrait bien être sa devise. D'où sa passion du succès et du travail acharné, doublée d'une organisation et d'une méthode d'action redoutables, dont lui seul a le secret. N'est-ce pas qu'il a réussi à s'imposer en tant qu'éditeur respecté, alors que beaucoup l'ont donné pour «fini». Il est désormais l'un des meilleurs publicistes de la place d'Alger. Les volte-face et les colères intempestives, ça le connaît, cependant Fattani reste très attaché aux valeurs et aux «sources» de sa culture, d'où peut-être sa force. Il a connu sa traversée du désert. Puisqu'il lui aura fallu quelques années de retraite salutaire avant de regagner le pays à l'orée de l'année 2000 afin d'y fonder, après Liberté, une nouvelle publication, L'Expression. Il est, avant tout, un homme de presse qui a su côtoyer aussi bien les grands de ce monde que ses pairs, avant de gravir les échelons et se distinguer comme leader de l'opinion, une profession qui ne tolère ni la triche ni le louvoiement. Les deals mesquins, ça ne le connaît pas! En témoigne son expérience à Liberté qui lui laisse comme un goût d'amertume et d'injustice. Mais c'est que cette bavure de l'histoire lui aura donné l'énergie nécessaire pour rebondir et permis de prouver au monde son immense talent d'entrepreneur. Sa nouvelle publication, aujourd'hui âgée de dix ans, atteste ainsi, et à sa manière, de son incontestable paternité d'un ex-projet qui porte profondément, et à ce jour, son empreinte: à savoir le journal qu'il a bel et bien fondé en juin 1992. Avec plusieurs cordes à son arc, Fattani a été convié par les plus hautes autorités à occuper les postes les plus prestigieux de la hiérarchie administrative, mais il a, à chaque fois, décliné l'offre et préféré opter pour la presse et les médias, son créneau de prédilection. Dès le début du lancement de L'Expression, il n'a eu de cesse de coacher son équipe alors que peu de gens croyaient en sa nouvelle aventure. Dans sa quête de gloire, il a toujours eu une sainte horreur de cette gloire sans morale. Ce respect des hommes se traduit chez Fattani par l'hommage qu'il rend à chaque fois à ses ex-responsables, à l'instar de M. Naït Mazi. Le patron de L'Expression a notamment une âme de pédagogue, puisque en plus d'enseigner le monde via sa publication, il s'impose le devoir de transformer le siège de son journal en une véritable pépinière de talents. Outre le fait de passer pour le pape du journalisme, Fattani est un gourou de la communication, un art dont il maîtriser les subtiles arcanes.Mais parler de communication ne va pas sans évoquer cette capacité inouïe qu'il a à séduire, à captiver par l'écrit ou la parole son lectorat ou son auditoire. C'est que cette «bête politique» sait charmer, persuader. La patience est son autre arme, il plie sans jamais rompre. Souvenons-nous de l'épisode difficile d'un certain août 2003 où sa publication a frôlé l'éclipse en plein été. Mais en capitaine aguerri, il a su tenir la barre et négocier les récifs afin de regagner des rivages plus sereins. Epris de discipline, il voue un culte à l'assiduité: «La réunion du matin est une messe quotidienne!» est d'ailleurs l'une de ses phrases fétiches et dont il abreuve régulièrement une équipe qu'il booste à fond à la moindre occasion. Au moment où sa perpétuelle bataille contre la médiocrité frise l'intolérance et oblige ses plus proches collaborateurs à faire preuve de longue d'haleine, sous peine de décrocher.