Le président ivoirien sortant Laurent Gbagbo et l'ex-Premier ministre Alassane Ouattara se lançaient hier dans la campagne pour le second tour de la présidentielle historique du 28 novembre, dans un climat marqué par des violences entre leurs partisans la veille à Abidjan. Au premier jour de la campagne officielle de second tour, M.Gbagbo (38% au premier tour le 31 octobre) devait entamer cette dernière ligne droite par un meeting à Agboville (80 km au nord d'Abidjan), l'un de ses fiefs, et M.Ouattara (32%) dans un stade de la capitale économique. Hier matin, la bataille des affiches avait repris dans les rues d'Abidjan. «Gbagbo président 100% pour la Côte d'Ivoire», proclament de grands panneaux. Une autre de ses affiches fait directement référence à la crise politico-militaire née du putsch manqué de 2002, qui a débouché sur une guerre et la prise de contrôle du nord ivoirien par une rébellion. «J'ai 8 ans, je suis née pendant la guerre, je veux grandir dans la paix»: ces mots sont inscrits à côté d'une fillette vêtue de blanc. M.Ouattara, qui après le premier tour a reçu le soutien de ses alliés du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), en particulier de l'ex-président Henri Konan Bédié (3e avec 25%), met en avant cette coalition. «L'alliance pour changer votre vie», promet une de ses affiches, qui le montre parmi ses alliés, tous bras levés. Sur une autre image, M.Bédié, debout, pose une main sur l'épaule du candidat Ouattara, assis. La campagne s'ouvre dans un climat tendu, au lendemain d'échauffourées de plusieurs heures à Abidjan entre partisans des deux candidats, les premières de cette importance au cours de ces semaines de joute électorale. Quelque 300 étudiants de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (Fesci), puissant syndicat proche de M.Gbagbo, se sont affrontés à coups de pierres avec des jeunes du Rhdp devant le siège de cette alliance. La police a fait état d'une «vingtaine de blessés». Après ces violences «fort regrettables», l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci) a appelé au «calme», alors que la campagne du premier tour s'était déroulée sans incident majeur. Vendredi, le président Gbagbo a durci le ton contre son adversaire, lors d'un rassemblement à Port-Bouët, un quartier populaire d'Abidjan. Il lui a attribué explicitement la responsabilité de la «violence politique» dans le pays depuis une décennie, l'accusant d'être à l'origine de la rébellion de 2002 mais aussi du coup d'Etat de 1999 contre M.Bédié. L'ancien chef de l'Etat (1993-1999), patron du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI, ex-parti unique) et son électorat, principalement l'importante ethnie baoulé, sont au coeur de cet entre-deux tours. Les deux finalistes ont mené d'impressionnantes opérations de séduction en direction de cette communauté, en multipliant les rencontres avec des chefs traditionnels baoulé. Si le Rhdp assure de la solidité de son union et que ses candidats ont totalisé environ 60% au premier tour, le report des voix reste une inconnue. Avant de s'allier en 2005, MM. Bédié et Ouattara s'étaient farouchement affrontés à partir du milieu des années 1990. Le camp Bédié avait développé le concept nationaliste d' «ivoirité» contre l'ex-Premier ministre, accusé d'être «étranger» par ses détracteurs, et exclu du scrutin de 2000 pour «nationalité douteuse».