La formidable protesta, conduite par le mouvement des citoyens en Kabylie, a sorti de l'oubli toute la région et obligé l'Etat à repenser la gestion des provinces tout en s'adaptant à l'ère des revendications nouvelles: le respect de la citoyenneté. Demain n'en sera que plus beau! Née dans le sillage des événements douloureux ayant émaillé la célébration du XXIe anniversaire du Printemps amazigh, la protesta en Kabylie, notamment a sorti d'une certaine léthargie la région et obligé l'Etat à repenser la gestion des provinces. Durant près de quatre mois, les populations, à travers les grèves générales, les marches et particulièrement la jeunesse avec les émeutes, ont payé chèrement leur attachement à la vision démocratique. Le sang a coulé, les larmes ont ruisselé sur les visages des vieux et la colère, longtemps contenue, a brisé les carcans pour mettre un holà puissant et définitif à l'administration. Les choses se doivent de changer. Des voix commencent d'ores et déjà à s'élever et à demander à l'Etat de repenser ses méthodes de gestion d'une province, longtemps, trop longtemps, oubliée. Dans la Kabylie exsangue, les problèmes restent entiers. Plus qu'ailleurs, le chômage, la mal vie, la misère battent leur plein. Plus qu'ailleurs, les gens se sentent abandonnés. L'Etat, n'ayant jamais pensé à la Kabylie que pour «essayer de contenir la fronde». Depuis le Printemps amazigh de 1980, la région n'a bénéficié en matière d'investissements que de centres pour CNS et de casernes de gendarmerie. La majorité du peuple - cette frange communément appelée : la majorité silencieuse - sort de sa réserve. Elle était pratiquement face aux émeutiers, dans les rues de Tizi Ouzou. Son cri «Barakat! les émeutes!». Pour la majorité silencieuse, en effet, les combats de rue doivent céder la place à une autre forme de combat. Celle qui, pour eux, prend en compte les besoins de la population. Certes, la demande, l'exigence principielle de la reconnaissance de tamazight est un principe irréversible aux côtés de la lutte pour les droits de l'Homme et pour le respect plein et entier du citoyen. L'Etat a promis un plan spécial pour aider au redémarrage de l'économie nationale, c'est cette chance que la majorité silencieuse entend saisir au vol. Il est temps que la Kabylie ait sa part du revenu national. Sa part dans la lutte de Libération nationale, elle l'a faite et même la région a été l'un des moteurs de la Révolution de Novembre. Cet aspect des choses étant connu de tous. La région, fidèle au serment de Novembre, entend peser pour la réappropriation de la dimension sociale de la République par le peuple. Ce noble but ne saurait, de l'avis de la majorité silencieuse, être atteint par les seuls combats de rue. Même s'il faut atténuer ici les choses et faire partager aux deux parties : émeutiers et gendarmes, la responsabilité. Le rapport Issad ne dit surtout pas le contraire. On peut même préciser que pour la majorité des citoyens «le comportement des GIR, lors des événements qui ont ensanglanté la Kabylie, est pour le moins condamnable». Pour ce faire, les citoyens réclament: «La punition sévère et publique de ces gendarmes qui ont sali le corps et meurtri une région.» Malgré tout, il est temps, pense la majorité silencieuse, de passer à une autre exigence. Celle de tout faire pour que la région renoue avec le développement. Certes, vous précisent les citoyens, «il n'est pas question d'aller contre les ârchs, mais d'influer sur ceux-ci, afin qu'ils poussent à d'autres solutions...» Et un autre de préciser: «On dit que la plate-forme d'El-Kseur n'est ni l'Evangile ni le Coran, c'est certain et c'est pour cela que nous voulons ajouter cette demande, autrement plus intéressante pour la région.» Dans l'immédiat, pour cette majorité silencieuse, «il n'est plus question de laisser parler la violence». Le but, selon eux, est de demander, voire d'exiger, une enveloppe conséquente pour la région. Cela sans oublier les revendications liées à tamazight et au respect de la citoyenneté. Un vent nouveau commence à souffler à partir de Kabylie. Un vent qui, certes, rejette la violence, mais, soulignent les observateurs, «est, tout de même, largement solidaire de la lutte pacifique des ârchs». Pour sa part, la Coordination interwilayas réunie à Akbou dénonce ce qu'elle appelle la « répression » et les arrestations massives des citoyens. Comme elle envoie une volée de bois vert dans les ailes du Festival. Enfin, la coordination appelle à une marche nationale populaire et pacifique, le 20 août à Ifri-Ouzellaguen. La marche sera ponctuée par un rassemblement sur les lieux du Congrès de la Soummam. Une réunion préparatoire est prévue par la coordination interwilayas le 19 août à Ifri-Ouzellaguen.