Expulsée samedi, la délégation marocaine qui s'est rendue en Afrique du Sud pour le 17e Festival mondial de la jeunesse, était truffée de policiers. Les Tontons macoutes de notre voisin de l'Ouest s'exportent. Ils étaient en mission en Afrique du Sud pour jouer de la matraque au nom d'une soi-disant intégrité territoriale menacée, au nom de la jeunesse marocaine. «Les représentants de la délégation marocaine étaient en mission commandée. Des policiers en jeans, baskets et casquettes. Ils avaient pour tâche de faire la promotion de la proposition marocaine pour le Sahara occidental, juste à la veille des pourparlers entre le Front Polisario et le Maroc, qui se sont tenus à Manhasset entre le 16 et le 18 décembre. Ils avaient surtout pour consigne de faire dans la provocation pour attirer l'attention sur eux», a confié à L'Expression une source très proche du dossier, qui a requis l'anonymat. Résultat: la délégation marocaine a été expulsée samedi du festival qui s'est tenu du 13 au 21 décembre à Pretoria. Motif: De nombreuses personnes des délégations participantes à cet évènement ont été agressées. «Des députés membres de la délégation marocaine, armés de bâtons ont attaqué des membres de la délégation espagnole qui portaient une pancarte appelant à mettre fin à l'occupation marocaine du Sahara occidental et cesser les violations des droits de l'homme contre le peuple sahraoui dans les territoires occupés», indique le communiqué du comité d'organisation répercuté par l'agence de presse officielle sahraouie SPS. Qui faisait partie de cette délégation? De combien de membres était-elle formée? «Le Maroc est présent en force à ce festival avec plus de 150 congressistes représentant la Jeunesse de l'Union socialiste des forces populaires, du Parti du progrès et du socialisme, du Parti de l'Istiqlal et du Mouvement de la jeunesse démocratique progressiste», nous informe une dépêche de l'agence de presse officielle marocaine MAP datée du 19/12/2010. La lecture de la composante des participants et de leur provenance (Partis politiques..., Ndlr) crédibilise encore un peu plus l'information que nous a livrée en exclusivité notre source. De quelle mission était chargée la délégation marocaine? «Les 150 congressistes marocains présents au 17e Festival mondial de la jeunesse et des étudiants à Pretoria, en Afrique du Sud, mènent une offensive diplomatique acharnée en multipliant les contacts avec les autres délégations dans le but de faire prévaloir la justesse de la cause nationale», nous indique une dépêche de la très officielle agence de presse marocaine MAP qui nous renseigne avec précision sur le degré de zèle qu'y ont mis les participants à cette opération. «Pas un seul stand des pays participants n'a été épargné par les congressistes marocains, qui se sont constitués en un seul front, pour expliquer l'initiative marocaine d'autonomie des provinces du Sud», ajoute MAP. Que nos confrères marocains ne nous tiennent pas rigueur, nous ne faisons que les citer. Il est tout de même étonnant que des «étudiants» partis en Afrique du Sud, aient eu pour mission essentielle de «vendre» le projet d'autonomie concocté par le pouvoir marocain. Depuis quand des étudiants mènent-ils une «diplomatie parallèle» sans qu'ils aient à émarger chez qui de droit? Il faut rendre justice au milieu estudiantin marocain réputé pour sa lutte contre toutes les formes de violence, de torture, de répression et son soutien aux causes justes à travers le monde. Exemples: Saïda Menebhi, professeur d'anglais à Rabat, qui a été arrêtée le 16 janvier 1976, en est une des figures les plus attachantes et les plus emblématiques. Elle a été internée dans le sinistre centre de Derb Moulay Chérif où elle a été torturée. Jugée à Casablanca en janvier 1977, avec 138 autres inculpés pour atteinte à la sûreté de l'Etat, elle réaffirme sans sourciller son soutien à la cause sahraouie. Mise à l'isolement, elle s'est éteinte le 11 décembre 1977 après 34 jours de grève de la faim à l'hôpital de Casablanca, faute de soins appropriés. Elle était âgée de 25 ans. Abdellatif Zeroual, philosophe, poète et membre de la direction nationale d'Ilal Amam, a rendu son dernier souffle en 1974, sous la torture, dans les geôles du Derb Moulay Chérif, le tristement célèbre centre de détention du Royaume chérifien. Amine Tahani a rendu l'âme lui aussi sous la torture le 6 novembre 1985... «Puis-je oublier mes camarades Abdellatif Zeroual et Amine Tahani, morts sous la torture? Puis-je oublier Saïda Mnebhi, morte en grève de la faim? Puis-je oublier tant de vies de mères combattantes, mortes épuisées par leur lutte pour leurs enfants emprisonnés, y compris la mienne, morte en avril 1982? Puis-je oublier les 33 morts dans les cachots de Tazmamart...», écrivait Abraham Serfaty au mois d'août 2004 dans un texte intitulé L'héritage de Hassan II. Il est du devoir de la communauté estudiantine marocaine de ne pas céder à la manipulation et de défendre la mémoire de ses aînés. Des étoiles qui ont traversé la planète à la vitesse de l'éclair! Ceux qui ont participé à la diabolique mission de Pretoria, ont été certainement triés sur le volet. Le timing a soigneusement été réglé. Comme une horloge suisse. C'est en effet au moment où les délégations sahraouie et marocaine étaient entrées en conclave pour entamer la 4e session de pourparlers informels supervisés par Christopher Ross, le représentant personnel du secrétaire général de l'Organisation des Nations unies pour le Sahara occidental, que les barbouzes marocains sont entrés en jeu. Une opération «coup de poing» qui a mal tourné.