Au moins 13 chefs d'Etat africains en exercice ont fait le déplacement pour cette investiture historique, après 26 ans de régimes militaires. La cérémonie d'investiture d'Alpha Condé, premier président librement élu de Guinée, a eut lieu hier à Conakry, en présence de 13 chefs d'Etat africains. La salle des fêtes du Palais du peuple, comptant plus de 2000 places, était trop petite pour accueillir les invités à cette cérémonie et dès le début de la matinée, des milliers de personnes s'étaient massées sur l'esplanade du Palais, ancien siège du Parlement. La cérémonie marque la fin d'une année de «transition vers la démocratie» et d'un demi-siècle de régimes dictatoriaux ou autoritaires dans ce pays d'Afrique de l'Ouest de dix millions d'habitants. Le général Sékouba Konaté, président par intérim depuis janvier, devait prendre la parole en premier et annoncer solennellement le «retour à l'ordre constitutionnel», deux ans après le coup d'Etat militaire dont il avait lui-même été l'un des principaux artisans. Au moins 13 chefs d'Etat africains en exercice ont fait le déplacement pour cette investiture historique, après 26 ans de régimes militaires. Parmi eux, les présidents des Etats voisins, le Bissau-Guinéen Malam Bacai Sanha, le Sénégalais Abdoulaye Wade, la Libérienne Ellen Johnson Sirleaf, le Sierra-Léonais Ernest Koroma et le Malien Amadou Toumani Touré. Etaient également présents le président burkinabé Blaise Compaoré, qui a joué un rôle de médiateur dans la crise guinéenne, le Gambien Yahya Jammeh, le Sud-africain Jacob Zuma, le Congolais Denis Sassou Nguesso, le Cap-Verdien Pedro Pires, le Togolais Faure Gnassingbé, le Béninois Boni Yayi, ainsi que le chef de la junte au pouvoir au Niger, le général Salou Djibo A 72 ans, Alpha Condé va gouverner pour la première fois, lui qui s'est opposé à toutes les dictatures depuis l'indépendance du pays en 1958. Condamné à mort sous le régime du président à vie Ahmed Sékou Touré (1958-1984), il avait ensuite été emprisonné pendant plus de deux ans sous le règne du général Lansana Conté (1984-2008). C'est justement devant le magistrat qui l'avait fait condamner en 2000 à cinq ans de réclusion criminelle «pour atteinte à la sûreté de l'Etat» - l'actuel président de la Cour suprême Mamadou Sylla - qu'Alpha Condé a prêté serment, au Palais du peuple. Ce même palais où, en 2004, le général Lansana Conté s'était fait investir président après un simulacre d'élection, ayant recueilli 95% des voix face à un unique candidat quasiment inconnu. Conté a régné au total 24 années, jusqu'à sa mort en décembre 2008, aussitôt suivie d'un coup d'Etat. Le capitaine Moussa Dadis Camara a alors pris la tête d'une junte pour quasiment une année de gestion calamiteuse et surréaliste, marquée par le massacre de plus de 150 opposants, jusqu'à une tentative d'assassinat dirigée contre lui. Enfin, au tout début de l'année 2010, l'ancien putschiste Sékouba Konaté a été chargé de mener le pays à la première élection libre. Dans un décret publié lundi soir, le général Konaté a souligné que la transition était finie et que l'investiture de Condé marquait «le retour à l'ordre constitutionnel». Au second tour de la présidentielle, le 7 novembre, Alpha Condé a recueilli 52,5% des suffrages contre 47,5% à l'ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo qui a accepté les résultats définitifs même s'il a dénoncé des fraudes. M.Diallo, actuellement à l'étranger, n'a pas assisté à l'investiture de son ancien rival et a déjà fait savoir qu'il ne voulait pas «travailler avec lui». Alpha Condé doit mettre en place très rapidement un «gouvernement d'union nationale» qui regroupera, selon lui, «toutes les composantes de la nation», en attendant qu'une date pour les élections législatives soit fixée. Il a déjà plaidé pour la mise en place d'une «conférence vérité-réconciliation afin que les Guinéens se disent les vérités» sur les crimes commis depuis l'indépendance. Et il s'est dit déterminé à «réformer l'armée», pléthorique, qui absorbait un tiers du budget de l'Etat. Cette première élection démocratique a valu à la Guinée d'être réintégrée dans l'Union africaine, après deux ans de suspension.