«Je préfère mourir dans ma maison malgré tous ces cauchemars que partir, fuir», dira ce jeune homme au micro de nos deux documentaristes à la lumière d'une bougie. Le 20 janvier 2009 deux cinéastes, l'Egypto-Français Samir Abdallah et l'Algérien Kheireddine Mabrouk entrent dans Ghaza par Rafah aux frontières égyptiennes en se faisant passer pour des médecins. Ils forcent le blocus israélien et profitent de cette conjoncture de grande mobilisation citoyenne pour faire entrer, chacun, une caméra et filmer sans relâche. Nous sommes au lendemain de l'arrêt de l'offensive israélienne qui a généré des milliers de morts. Des images de la guerre sont rapportées, brutes, plutôt, de ses conséquences tragiques. Des maisons et des écoles saccagées, des clous perforent les murs des maisons. Le chaos règne en maître des lieux. «Ils ont détruit toute une vie», dira ce vieux monsieur. Nos deux réalisateurs sont accompagnés dans leur funeste périple par Abdelhalim Abousamra du Centre national des droits de l'homme. De nombreuses familles traumatisées racontent leur malheur. La vérité sort souvent de la bouche des enfants. Leurs dessins témoignent de l'horreur indescriptible commise. Ces dessins, on les voit tout au long du film. Ces enfants racontent, avec un calme insoutenable, leur drame, comment ils ont perdu leurs familles, leurs parents, qui des soeurs, qui une mère ou un père soufflés en une nuit par une bombe. Les propos sont incroyables. Ces familles sont cependant décidées à rester malgré tout et à reconstruire leurs maisons s'il le faut et ne pas quitter leur ville, par amour et dignité pour Ghaza, la Palestine. Certains se révoltent, crient leur détresse. «Je préfère mourir dans ma maison malgré tous ces cauchemars que partir, fuir», dira ce jeune homme au micro de nos deux documentaristes sous la lumière d'une bougie. Le chaos est à tous les étages. «On a brûlé les maisons, détruit les arbres, spolié les terres, saccagé les mosquées, il ne reste même plus d'oiseaux, ils brûlent même nos photos pour effacer notre mémoire», dira ce Ghazaoui. Et un autre de crier: «Un million de kilos d'explosifs sont jetés sur 35 km. Pourquoi s'acharne-t-on à ce point sur Ghaza?» Gaza- Strophe, le jour d'après est rehaussé et traversé par la voix du poète Mahmoud Darwich. Sa poésie est des plus éloquentes. Ce choix n'est pas fortuit. Samir Abdallah nous fera savoir que c'est l'enregistrement tiré de ses déclamations lorsqu'en 2002, une délégation d'une dizaine d'écrivains de huit pays est allée sur place pour manifester aux côtés des Palestiniens, répondant à l'appel du poète palestinien Mahmoud Darwich, membre fondateur du Parlement international des écrivains, assiégé à Ramallah. Ceci fera pour rappel, l'objet d'un documentaire des plus puissants, Ecrivains des frontières. Huit ans après, des crimes continuent à être perpétrés sur des innocents. «Nous voulons faire sortir ce film Gaza-Strophe le jour d'après le 16 mars prochain dans le monde entier et faire coïncider cette sortie avec le jour où la commission des droits de l'homme va de nouveau se réunir, pour faire le plus de bruit possible», dira Samir Abdallah. «On mise sur une centaine de salles. On refuse de s'adresser à des structures commerciales. Il faut qu'on cesse de parler. Il faut qu'Israël soit sanctionnée pour ses crimes contre l'humanité.» Et Kheireddine Mabrouk de signaler: «ll y a deux censures qui prévalent dans le monde. Une volontaire et l'autre involontaire que subissent le monde arabe par ces images brutes assénées par Al Jazeera, notamment où c'est l'émotion qui prime puis plus rien. On reste impuissants face à notre colère». Notons que le titre Gaza-Strophe, le jour d'après fait un clin d'oeil à la nakba de 1948, mais aussi rend hommage à la poésie sur laquelle ces hommes et femmes ont bâti leur existence. Un vieux, dans le film, assène une véritable leçon d'humilité et de courage lorsque il se met à déclamer un poème spontanément, ses mots sont une véritable gifle aux pays arabes qui sont loin d'être solidaires avec la Palestine. Si les enfants de Fatah et de Hamas s'entre-tuent il n'en demeurent pas moins des Palestiniens qui demandent soutien et aide des plus urgents. Gaza-Strophe, le jour d'après a été présenté, faut-il le noter, à Dubaï à la mi-décembre. Ce documentaire a obtenu plusieurs distinctions, dont le prix Ahmed Attia pour le dialogue des cultures (Medimed) et le Grand prix France Télévisions du meilleur documentaire au Festival international du documentaire et reportage méditerranéen de Marseille. Après Oran et Tiaret, il a été présenté cette semaine à la cinémathèque d'Alger. Notons que Gaza-strophe, le jour d'après est accompagné de quelques images d'archives de caméramans de la télé palestinienne constitués en groupe. Des images de la guerre que Samir dira trop atroce pour les montrer toutes. Samir Abdallah compte aussi sur l'âme charitable de bénévoles pour l'aider à faire la traduction des sous-titrages du film afin de le faire sortir dans un maximum de salles dans le monde et faire le buzz. Dont acte.