La presse égyptienne de tous bords exhortait chrétiens et musulmans à faire bloc, craignant que ce massacre commis dans la nuit du Nouvel An ne provoque des tensions de plus en plus graves. L'Egypte redoutait hier une aggravation des tensions confessionnelles après l'attentat qui a fait 21 morts devant une église copte d'Alexandrie, pour lequel les autorités privilégient la piste du terrorisme international et la mouvance d'Al Qaîda. Des traces de sang étaient toujours visibles, hier matin, sur la façade de l'église des Saints à Alexandrie, mais le calme semblait revenu après les affrontements de la veille entre jeunes chrétiens et policiers. L'émotion restait toutefois vive parmi les fidèles qui assistaient à la messe dominicale en scandant «O croix, nous sommes prêts à nous sacrifier pour toi». Samedi soir, les funérailles des victimes coptes ont rassemblé plus de 5000 personnes dans le cimetière chrétien de la deuxième ville du pays. La presse égyptienne de tous bords exhortait chrétiens et musulmans à faire bloc, craignant que ce massacre commis dans la nuit du Nouvel An ne provoque des tensions de plus en plus graves. «Quelqu'un veut faire exploser ce pays» et provoquer «une guerre civile religieuse» en Egypte, affirmait le quotidien pro-gouvernemental Rose el-Youssef. Le quotidien indépendant Al-Chourouq évoquait la hantise d'une guerre civile à la libanaise: «si le plan (des terroristes) marche comme prévu» l'Egypte pourrait s'embourber dans «un marécage semblable à ce qui s'est passé au Liban en avril 1975». La stratégie du pouvoir de traiter cet attentat avant tout comme une affaire sécuritaire, visant les Egyptiens quelle que soit leur confession, fait l'objet de critiques. «Il ne sera possible de contenir l'impact de cet acte criminel (...) qu'en y faisant face de manière franche et courageuse, en ne se mettant pas la tête dans le sable face aux tensions inter-confessionnelles», écrit Al-Masri Al-Yom. L'attentat a été commis vers minuit et demi dans la nuit de vendredi à samedi alors que les fidèles commençaient à sortir d'une messe. Le ministère de l'Intérieur a écarté la thèse d'une voiture piégée, initialement privilégiée, pour assurer désormais que l'attentat a été «probablement» provoqué par un kamikaze porteur d'explosifs de fabrication locale, mais commandité par «des éléments extérieurs». Le président Hosni Moubarak a lui-même mis en cause samedi des «mains étrangères» derrière ce massacre. Bien que l'attaque n'ait pas été revendiquée, la piste d'Al Qaîda est évoquée à mots couverts par les autorités, qui rappellent qu'une organisation irakienne issue de cette mouvance a proféré il y a deux mois des menaces précises contre les chrétiens d'Egypte. Ce groupe irakien, qui avait revendiqué l'attentat du 31 octobre contre une cathédrale de Baghdad, accuse les chrétiens d'Egypte «d'emprisonner» deux femmes de prêtres coptes orthodoxes qui se seraient converties à l'islam. Les Coptes, première minorité chrétienne du Moyen-Orient, représentent de 6 à 10% des quelque 80 millions d'Egyptiens. Le patriarche copte orthodoxe Chenouda III a dénoncé un acte «terroriste» et «lâche» «visant à déstabiliser le pays». Les principales personnalités religieuses musulmanes égyptiennes, de même que le mouvement d'opposition islamiste des Frères musulmans, ont aussi émis des condamnations. Cet attentat a provoqué une vague de condamnations internationales. Après le pape Benoît XVI, le Conseil oecuménique des Eglises, qui siège à Genève, a condamné hier cette «terrible attaque contre des fidèles innocents». Le président américain Barack Obama a estimé que les responsables de cet attentat n'avaient «aucun respect pour la vie et la dignité humaine», après des condamnations venues de Paris, Londres ou Rome et de nombreuses capitales du Moyen-Orient notamment.