Il est 11h30. Contrairement à l'habitude, les principaux quartiers de Bab El Oued sont étrangement vides, en cette journée de vendredi. Une atmosphère sinistre règne sur la ville, encore sous le choc des émeutes qui l'ont secouée la veille. La plupart des magasins sont restés fermés et les artères habituellement grouillantes de monde ont été désertées. Redoutant de nouveaux troubles que la rumeur avait annoncé reprendre juste après la prière du vendredi, les habitants ont préféré rester chez eux. Seuls le marché des Trois Horloges et quelques boulangeries et cafés ont ouvert leurs portes aux clients qui n'en espéraient pas tant. Contents de se retrouver après cette nuit agitée, par petits groupes, des gens discutent des émeutes qui ont ébranlé ce paisible quartier de la capitale et s'interrogent sur les réelles motivations des auteurs. «Le malheur des uns fait le bonheur des autres.» Profitant de la détresse des citoyens restés sans voix après l'annonce de la flambée des prix des produits de première nécessité sur le marché, les «casseurs» ont pillé de nombreux magasins et brûlé des véhicules appartenant à des citoyens. Ce n'est que grâce à l'intervention de la police que le calme est revenu. Mais à quel prix, car de part et d'autre, on parle de nombreux blessés. Fort heureusement, le moment tant redouté, c'est-à-dire la prière du vendredi, s'est déroulé sans encombre. Dans leurs prêches, les imams ont appelé au calme, particulièrement les jeunes qui doivent contenir leur colère, car ce n'est pas en détruisant les biens d'autrui qu'ils arriveront à régler leurs problèmes. Même à la mosquée Es Sunna, à partir de laquelle les élus du parti dissous avaient appelé au renversement de l'Etat, au début des années 1990, l'imam a fait preuve de retenue en exhortant les jeunes à respecter la loi en s'inspirant du Coran et des hadiths qui prônent la tolérance et le respect.