Les artistes ont lâché le président égyptien, se mettant, dès le départ, du côté du peuple en colère. Bien que de nombreux artistes soutiennent l'action du peuple égyptien, certains connus pour leur loyauté au président Moubarak ont subitement disparu. La presse égyptienne a rapporté que Amro Diab s'est envolé avec sa famille pour l'Angleterre, alors que la chanteuse Nelly Karim et son mari ont été aperçus à l'aéroport du Caire. En revanche, l'égérie du cinéma égyptien, Leila Alwi, s'est abstenue de parler de la révolte du peuple égyptien et de la situation politique en raison de ses liens de parenté avec le président Moubarak. D'autres artistes égyptiens connus ont disparu du paysage médiatique depuis le début de cette révolte, c'est le cas notamment de Mohammed Mounir et Tamer Hosni ou encore de Adel Imam, resté très silencieux. Alors que d'autres artistes très engagés dans le combat politique, ont soutenu les revendications du peuple en colère dès le premier jour de la révolte, en se joignant à la manifestation à la place devenue célèbre Atahrir. A leur tête Khalid El Sawy, qui a joué, notamment dans le feuilleton dramatique Ahl Cairo. Mais aussi Khaled Nabawi, Khaled Abou-El Naga (la seule star égyptienne présente au dernier Festival du film arabe d'Oran). Le comédien Amr Waked et Asra Yassin, le scénariste Tamer Habib, ainsi que les réalisateurs Amr Salama, Hani Salama et Khaled Youssef se sont joints à la troupe des artistes. Ce dernier connu pour ses positions antigouvernementales, et auteur notamment de Doukan Shahata et Chaos, avait prédit la fin du régime Moubarak. Il s'est exprimé aussi sur BBC Arabic, en dénonçant le régime ainsi que le silence de certains comédiens égyptiens qu'il accuse d'être complices, du pouvoir et traîtres à la cause du peuple égyptien. Même Mona Zaki, qui faisait partie de la délégation d'artistes, qui soutenait le président Moubarak, était parmi les manifestants à la place Tahrir, le mardi. Le réalisateur Amr Salama a déclaré à la presse qu'il ne reviendra pas sur sa décision de faire tomber le système après avoir été battu par la police, affirmant qu'il n'a fait qu'utiliser son droit constitutionnel de manifester pacifiquement. Pour sa part, Khaled Abou El-Naga, qui a déclaré qu'il ne participe pas à ces événements comme artiste mais comme citoyen égyptien, a indiqué que ce qui est arrivé a brisé la barrière de la peur des Egyptiens. Il ajoute qu'il avait averti depuis la signature de la déclaration, «Ensemble, nous changerons» initiée par le Dr Mohamed El Baradei, du chaos qui menaçait l'Egypte en l'absence de capacité du système à contrôler la sécurité suite à l'explosion de colère de la population égyptienne. Amr Waked pour sa part, a passé la nuit à rédiger des communiqués. Son frère a été arrêté au cours de la première journée des manifestations, après être descendus ensemble dans la rue pour manifester avec un groupe d'amis. Il a passé la nuit dans la rue avec les manifestants, en disant qu'il ne voulait pas renoncer à participer au changement dans le pays. Cette position ne diffère pas de son collègue et ami Khalid Al Sawy, qui passe la journée entre Tahrir Square et ses différents bureaux. Il était incapable de parler après avoir conduit les manifestations depuis le premier jour du soulèvement, vendredi dernier. D'autres stars connues ont préféré suivre la révolution dans leur prestigieux salon, c'est le cas de Mohamed Sobhi et Al Fakhrani, qui se sont exprimés avec tristesse et douleur sur la situation dans le pays sur Al Jazeera Moubasher. En Europe, l'action la plus médiatisée reste celle de la star des stars égyptiennes Omar Sharif qui été interviewé sur France Inter depuis le 17e étage d'un grand hôtel du Caire, exprimant son soutien à la population égyptienne, il déclare sans langue de bois: «Je pense que Hosni Moubarak aurait dû démissionner. Cela fait trente ans qu'il est président, ça suffit!». Très au courant des enjeux politiques de son pays, Omar Sharif a par ailleurs, exprimé sa satisfaction de la nomination du vice-président Omar Souleïman, affirmant qui celui-ci a de bonnes relations avec Israël et que c'est très important. Le «Docteur Jivago» s'interroge en revanche sur l'avenir: «Qui succèdera à Moubarak? Qui prendra sa place? Qui sera responsable du pays?» Omar Sharif, qui est né dans une famille appartenant à la minorité chrétienne d'Alexandrie et converti à l'Islam en 1955 pour pouvoir épouser l'actrice égyptienne Faten Hamama, a exprimé aussi sa crainte envers les Frères musulmans: «Je n'en veux pas. Ils étaient enfermés, ils commencent à sortir, ils sont 20% de la population, et c'est un peu inquiétant pour moi.» Le grand absent de cette mobilisation des artistes égyptiens sera sans conteste Youcef Chahine, qui a toujours exprimé son opposition envers Moubarak, et qui aurait bien conduit cette contestation populaire.