Le décret d'application de la loi Morin, un «déni de justice» envers les victimes des essais nucléaires français. Le décret exécutif promulgué en France, le 13 juin 2010, en application de la loi Morin, sur les conditions et modalités d'indemnisation des victimes des explosions et essais nucléaires français, est un «déni de justice» envers les victimes algériennes, a indiqué dimanche à Reggane, Zalani Azzedine, juriste algérien installé en France. M.Zalani, qui participe à la Caravane de solidarité avec la population d'Adrar, organisée dans le cadre de la commémoration du 51e anniversaire du premier essai nucléaire français à Reggane, a mis en exergue, dans une déclaration, l'«incapacité matérielle et juridique» pour les victimes algériennes, de «se pourvoir administrativement et juridiquement», tel qu'il est exigé par ce décret, affirmant que cette incapacité est «synonyme de déni de justice». C'est ainsi qu'il a estimé que «cette situation constitutive d'un crime humanitaire à l'encontre d'une population prise dans un obscur et dérisoire jeu diplomatique, doit impérativement cesser». Cet expert, spécialiste des questions juridiques liées aux victimes des explosions et des essais nucléaires, a d'abord critiqué le caractère «anachronique» de ce décret, précisant qu'il est impossible aux victimes demandant des indemnisations, de présenter à la commission créée des documents attestant de leur séjour ou d'avoir résidé dans les centres d'In Ekker et de Reggane ou dans les différentes bases de vie installées dans la périphérie de ces centres militaires. M.Zalani a indiqué que ce décret ne prend en compte que les périodes de présence comprises entre le 13 février 1960 au 31 décembre 1967, pour le cas du Sahara algérien, Pour lui, il est aussi «anachronique» dans la mesure, a-t-il dit, où «il ne prend pas en compte les radioactivités induites et qui durent très longtemps». C'est ce qui lui a fait dire que la loi Morin, du point de vue juridique, «commet une erreur sur le fond, en considérant que ce sont les explosions nucléaires, elles-mêmes, qui sont à l'origine du dommage, alors que le fait générateur du dommage réside non pas dans les explosions ou les essais, mais dans les émanations radioactives qui perdurent au-delà des dates butoirs fixées par cette loi». «Il est presque loufoque de considérer que les émanations radioactives ont pris fin le 31 décembre 1967 à In Ekker et Reggane, date de la remise des installations aux autorités algériennes», a-t-il encore estimé à ce sujet. Il a également estimé que la responsabilité des autorités sanitaires et environnementales algériennes «demeurera engagée» pour la prise en charge des besoins sanitaires «urgents» des victimes, notant toutefois que les autorités sanitaires «commencent à donner des signes d'intérêt à ce dossier longtemps occulté». Sur la même longueur d'onde, l'avocate algérienne, Mme Fatma-Zohra Benbraham, a indiqué que la loi Morin parle d'une «reconnaissance» aux victimes, «les traitant ainsi, a-t-elle dit, comme des harkis ou ses collaborateurs». «Les victimes algériennes ne sont pas concernées par cette loi», a-t-elle constaté, appelant, dans ce cadre, à la création d'un observatoire international pour les victimes des explosions et des essais nucléaires, composé d'experts dans le domaine nucléaire et de juristes. Pour sa part, M. Bruno Barillot, délégué auprès du gouvernement autonome de Polynésie, chargé du suivi des conséquences des essais nucléaires, a estimé que le règlement du contentieux entre l'Algérie et la France, relatif aux conséquences des explosions et essais nucléaires dans le Sahara algérien, ne peut se faire qu'à travers des accords bilatéraux, a-t-il indiqué hier à Reggane (Adrar). M.Bruno Barillot, qui a pris part à la journée commémorative du 51e anniversaire du premier essai nucléaire français à Reggane a reconnu, dans une déclaration, l'impossibilité d'appliquer la loi française sur l'indemnisation des victimes des essais nucléaires en Algérie.