Pour les observateurs, la manifestation de samedi dernier ne justifie pas une telle réaction américaine, encore moins celle française. Les puissances étrangères, à leur tête les Etats-Unis d'Amérique, l'Allemagne et le Parlement européen par le truchement de son président, appellent les autorités algériennes à «la retenue». La réaction est venue après la marche du 12 février dernier. Pendant cette marche, organisée samedi à Alger par la Coordination pour le changement et la démocratie, la capitale est restée verrouillée par les services de sécurité. Cette manifestation, qui a enregistré plusieurs arrestations, a été empêchée par un impressionnant dispositif sécuritaire composé d'au moins 30 000 policiers. Pour les observateurs, l'action de samedi dernier à Alger «ne justifiait aucunement une telle réaction américaine, encore moins celle de la France qui s'était complètement plantée lors de la révolution de Jasmin allant jusqu'à proposer des cours de répression au gouvernement tunisien». Ces mêmes observateurs estiment que cette marche, certes empêchée, n'a pas été un succès de mobilisation. De plus, ajoutent-ils, «le rassemblement de samedi n'a pas non plus donné lieu à une répression farouche comme on l'a vu lors de la marche des Aârchs du 14 janviers 2001». En plus, «les personnes arrêtées ont été relâchées le jour même et on ne dénombre aucun blessé grave». Ainsi, le message du Parlement européen a ouvert le bal et son président a exhorté les autorités algériennes «à ne pas céder à la violence et à respecter le droit de leurs citoyens à manifester pacifiquement», au lendemain de la marche d'Alger en faveur d'un changement de régime politique. Il est vite suivi par celui du département d'Etat américain, appelant avant-hier, «les forces de sécurité à la retenue» face aux manifestants. «Nous prenons acte des manifestations actuelles en Algérie, et appelons à la retenue les forces de sécurité», écrit le porte-parole du département d'Etat Philip Crowley, dans un communiqué. Par ailleurs, «nous réaffirmons notre soutien aux droits universels du peuple algérien, y compris les droits de réunion et d'expression. Ces droits s'appliquent sur Internet et doivent être respectés», ajoute-t-il tout en précisant que les Etats-Unis «suivront de près la situation ces prochains jours». De son côté, le chef de la diplomatie allemande, Guido Westerwelle, a appelé le gouvernement algérien à ne pas faire usage de violence contre les manifestants, qui ne font qu'exercer un «droit humain» en disant leur opinion, sur la chaîne ARD avant-hier, soir. «Le gouvernement allemand appelle le gouvernement algérien à renoncer à tout recours à la violence», a déclaré le ministre sur la première chaîne de télévision publique. «Il s'agit de manifestants désireux de liberté, qui ne font rien d'autre qu'exercer un droit humain, à savoir le droit de défendre dignement leur point de vue. C'est pourquoi nous condamnons toute forme de recours à la violence», a indiqué Westerwelle. «Nous sommes en tant que démocrates du côté des démocrates. Je l'ai déjà dit en ce qui concernait la Tunisie et l'Egypte. Je le redis maintenant en allusion à d'autres pays», a-t-il ajouté. Ce diplomate a souligné qu'en Egypte, «la situation reste fragile», et a estimé qu' «elle aurait pu basculer à tout moment dans la violence». La France n'a pas été en reste puisqu'elle a également réagi en souhaitant que les manifestations en Algérie puissent se dérouler «librement et sans violence», a indiqué hier, le ministère français des Affaires étrangères, alors que l'opposition a annoncé une nouvelle manifestation samedi prochain. «S'agissant des manifestations organisées à Alger et dans certaines grandes villes, ce qui est important à nos yeux, c'est que la liberté d'expression soit respectée et que les manifestations puissent se dérouler librement et sans violence», a déclaré le porte-parole, Bernard Valero. Les marches et manifestations sont soumises à autorisations du wali depuis 1992, dans le cadre de l'état d'urgence instauré durant la même année. Cependant, les marches sont carrément interdites dans la capitale depuis l'impressionnante marche du 14 juin 2001, organisée par le Mouvement citoyen. Mais la Cncd, déterminée à aller jusqu'au bout, a appelé à une nouvelle marche le 19 février dans la capitale.