La bonne gouvernance relève-t-elle des organes de l'Union africaine ou du Nepad ? Le Président de la République, M.Abdelaziz Bouteflika, s'est rendu hier à Abuja au Nigeria où il a pris part aux travaux de la 5e session du comité des chefs d'Etat et de gouvernement pour la mise en oeuvre du Nepad ( Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique). Ce comité, composé de 15 Etats membres de l'Union africaine (UA) et dont le chef de l'Etat assure la vice-présidence, se penchera, au cours de cette session, sur les priorités que le continent africain s'est fixées dans la mise en oeuvre de sa stratégie de développement, élaborée à la faveur de ce plan global adopté en octobre 2001 et qui définit des objectifs concrets de développement pour l'Afrique. Fait significatif de cette volonté des dirigeants du continent d'aller de l'avant dans la réalisation de ce plan, il s'agit, au cours de cette rencontre, de mettre en place les mécanismes de surveillance leur permettant de vérifier le respect des critères dégagés pour une effective mise en pratique des résolutions du Nepad et à leur tête celles concernant «la bonne gouvernance». D'ailleurs, lorsque les présidents algérien, égyptien, sénégalais, nigérian et sud-africain ont annoncé leur projet de développement du continent à travers cette nouvelle formule, la communauté internationale, notamment les riches pays industrialisés du Nord, a salué avant tout, leur volonté d'appliquer de nouveaux critères de bonne gouvernance. L'Afrique s'engageant à se prendre en charge et à appliquer les réformes politiques et économiques appropriées, les dirigeants du G8 ont même promis, à l'occasion de leur sommet de Kanakakis au Canada, l'octroi d'éventuels crédits d'aide au développement du continent et d'alléger l'endettement extérieur de nombreux pays africains. Mais d'ores et déjà, il semble que cette vision des choses ne soit pas au goût de certains membres du Nepad parmi ceux de ce comité de mise en oeuvre. Ainsi, si pour James Atuzue, de l'équipe nigériane d'application du Nepad, le mécanisme de contrôle de la bonne gouvernance est «central pour l'application du Nepad» et «vise à mettre en place un mécanisme volontaire d'autosurveillance pour évaluer les progrès vers la bonne gouvernance», pour le président sud-africain Thabo Mbeki, dans un communiqué rendu public deux jours avant cette rencontre, «il n'est pas de l'intention de l'Afrique du Sud ou des dirigeants du continent de soumettre les questions de gouvernance politique à un examen dans le cadre du Nepad, car cela irait au-delà du mandat confié par le comité fondateur». Il faut dire que grâce au système de ce «mécanisme de surveillance», tout dirigeant africain qui ne réussit pas à tenir ses promesses de gouvernement démocratique pourra être sanctionné par ses pairs. Selon l'Afrique du Sud, les domaines devant tomber sous le coup de la surveillance réciproque se limitent aux secteurs social et économique. La bonne gouvernance, poursuit le communiqué de Pretoria, est du ressort de l'Union africaine créée en juillet dernier en remplacement de l'OUA, par le biais d'une Commission des droits de l'Homme et d'un Parlement panafricain qui doivent être créés. Il va de soi que ce début de controverse sur les prérogatives et les champs d'application des textes des deux institutions africaines que sont le Nepad et l'UA, ne serait pas bien vu par les pays développés dont le soutien au développement économique de l'Afrique est conditionné par le principe de «plus d'assistance économique pour plus de démocratie». En tout cas, c'est à l'issue des travaux de ce comité de mise en oeuvre du Nepad, présidés par le Nigeria en la personne du président Olusegun Obasanjo, et qui interviennent dans le sillage de toute une série de précédentes rencontres africaines et internationales, qu'on saura si cette formule de développement africaine à de l'avenir, ou si elle sera, elle aussi, paralysée par des conceptions contradictoires quant à son rôle, ses objectifs et son champ d'application.