Au langage du bâton et de la matraque auquel ils sont habitués ces jours-ci, étudiants et étudiantes répondent pacifiquement. Furieux contre leur ministre et ses incohérences itératives, mais hautement pacifiques dans leur action, environ 4000 étudiants occupent la descente menant au département de l'Enseignement supérieur. A quelques encablures du portail principal, un cordon sécuritaire, renforcé au fil des minutes, est formé pour disperser une foule impressionnante. A ce langage du bâton, de la matraque auquel ils se sont habitués ces jours-ci, étudiants et étudiantes répondent sagement. Des bras levés portent des pancartes comme des poignards. «Dégage Harraoubia!» Le slogan est scandé à l'unisson. Des voix s'élèvent. On crie à pleins poumons. «SOS ingénieurs», «Une Algérie de principe et de droits», «Ulac Smah Ulac», «Nous sommes des étudiants et non des voyous»...résonnent de partout. Le ton est donné. Rien ne semble faire reculer cette «frange volcan» dont le ministre lui-même craint l'éruption. Tout se passe dans la normale. Cependant, dès la première tentative d'atteindre le ministère, les forces antiémeutes passent brutalement à l'action. Des blessés, on en compte déjà six. «C'est barbare», dira cet étudiant à Boumerdès touché au mollet. Il n'arrive plus à se relever. Solidaires, ces copains l'aident avant de revenir quelques minutes plus tard avec un bandage. Roués de coups, des étudiants comptent, malgré tout aller de l'avant. Et ce traitement violent que leur réserve les services de sécurité, a connu son pic dimanche soir. Le bilan des blessés est lourd. Il a été interdit à cette frange estudiantine de poursuivre le sit-in pendant la nuit. Le comble, ils sont dirigés dans une salle à l'Institut national de planification et statistiques (Inps). Témoignage: «Ils nous ont entassé comme des moutons. Notre tort c'était de rester à même le sol, nos cartes à la main en chantant Qassamen. La reconnaissance du diplôme d'ingéniorat, l'équivalence de leur doctorat...sont, entre autres, les points qui les laissent dans le flou et sur lesquels Rachid Harraoubia fait la sourde oreille en dépit de moult sollicitations. «Notre action est autonome. On n'a besoin ni d'organisations estudiantines ni de partis politiques. Il s'agit de notre dignité», clame Farouk de l'université de Boumerdès. Lui emboîtant le pas, Amel et Ikram, doctorantes, venues de Constantine interpellent désespérément, Harroubia: «Où étiez- vous M.le ministre quand nous étions tabassés? Avez- vous quelque chose de concret pour nous convaincre?» Elles parlent de lui comme s'il allait à nouveau fauter et «il faute évidemment», poursuivent les deux Constantinoises. 11 heures tapantes, une cinquantaine d'étudiants de l'ex-INC rejoignent le mouvement. La foule grandit. «Ils sont les bienvenus, zkara fi el wizara», entonnent des milliers d'étudiants pour leur souhaiter «une bonne continuation». Les minutes passent, des tentatives sont repoussées. Et le duel se corse. Encore des blessés. Deux étudiantes ont reçu des coups sur tout le corps. Touchée à la poitrine et au niveau de sa nuque, l'une d'elle s'évanouit pendant quelques minutes. Elle reprend connaissance difficilement. A midi, comme si un rendez-vous a été fixé, les étudiants forcent le cordon des forces antiémeute, ils courent à toute allure avant de s'installer devant le département de Harraoubia. Un sit-in est organisé. «On le fera ce soir», rassurent des étudiants qui sont venus de partout. Ils avancent à grands pas dans leur action, mais il leur reste du chemin à parcourir.