Le mouvement de contestation du président yéménite Ali Abdallah Saleh continuait hier de s'étendre et les tribus, l'un des piliers de son régime, commençaient à basculer dans l'opposition. A Sanaa, le sit-in en cours depuis le 21 février place de l'Université s'est transformé en un immense camp de toile qui déborde sur les rues environnantes. Les forces de sécurité ont bloqué tous les accès menant à la place à l'exception d'une entrée, pour tenter de limiter l'afflux des manifestants. Des dizaines d'entre eux avaient été blessés dimanche sur cette place, épicentre de la contestation, dans une attaque de policiers soutenus par des partisans du régime, au lendemain de la mort d'un manifestant par les tirs de la police sur les protestataires. «Ali, ça suffit, pars avant El Gueddafi», scandaient hier les protestataires, en référence au dirigeant libyen qui reprend l'initiative contre les insurgés. Des centaines de membres de tribus se sont joints ces deux derniers jours aux manifestants, installant des tentes marquées au nom de leurs provinces. «J'attends cette révolution depuis 15 ans, pour en finir avec l'oppression», a affirmé Mohammed Ali, 45 ans, venu de la province nordiste d'Arhab. «J'ai dit à ma femme et à mes enfants que je reviendrai victorieux ou en martyr», a ajouté cet homme revêtu de la robe traditionnelle, poignard recourbé, la janbiya, à la ceinture. Cheikh Amine al-Akaimi, chef du congrès des tribus de Bakil, a assuré que cette puissante confédération tribale était «avec la révolution des jeunes et prêtes à les protéger». «Nous demandons au président de partir», a-t-il ajouté. Des chefs de la confédération tribale des Hached, la plus importante du pays à la structure clanique, s'étaient déjà ralliées à la contestation. Les contestations et violences se sont poursuivies dans le reste du pays. Un opposant a été tué hier au cours d'un affrontement armé par des partisans du président Saleh dans la ville de Jouf, au nord-est de Sanaa, ont indiqué des sources de sécurité. Sept personnes, dont deux policiers, ont été blessées au cours d'affrontements nocturnes entre manifestants et policiers dans la ville de Moukalla (sud-est), ont indiqué des sources médicales hier. Selon des habitants, la police a ouvert le feu sur un sit-in de manifestants réclamant la chute du régime, en blessant quatre. Quelques manifestants armés ont riposté, blessant deux policiers. Lundi, au moins 44 personnes avaient été blessées à travers le pays, où la police a ouvert le feu pour disperser des manifestants à Jouf, au nord-est de Sanaa, à Marib, la zone tribale à l'est de la capitale, à Moukalla et dans plusieurs villes du sud. A Aden, la principale ville du sud du pays, où quatre manifestants ont été tués au cours du week-end, les manifestations quotidiennes se sont poursuivies dans la nuit de lundi à mardi, et la police a encore tiré sur des marches dans le quartier de Dar Saad, sans faire de victime. La ville rétive du sud, à la pointe de la contestation, abrite cinq sit-in dans ses différents quartiers, réclamant tous le départ du président Saleh, alors que les étudiants et les instituteurs ont annoncé qu'ils ne reprendraient pas les cours avant la chute du régime. Une quarantaine de personnes ont été tuées dans les troubles au Yémen depuis le début fin janvier du mouvement de contestation appelant au départ du président Saleh, au pouvoir depuis 32 ans.