L'Algérie n'est pas à l'abri d'un coup d'accélérateur de l'Histoire, semblable à celui que connaît le Moyen-Orient. Professionnels de la santé publique, étudiants, enseignants, journalistes, habitants de quartiers populaires, gardes communaux, pompiers, employés de la justice, élus, familles de disparus, victimes du terrorisme, anciens rappelés au Service national, policiers radiés, chômeurs, imams, rapatriés de Libye, personnalités politiques et intellectuels tirent la sonnette d'alarme. Ils expliquent que le pays va droit dans le mur. Les étudiants veulent casser l'interdit qui frappe toute manifestation publique à Alger. La Coordination nationale autonome des étudiants (Cnae) organise une marche nationale «millionnaire», le 12 avril prochain, au niveau de la capitale. «Devant l'abus et l'irresponsabilité de l'administration, la Coordination nationale autonome des étudiants appelle tous les étudiants algériens à une marche nationale millionnaire et pacifique le mardi 12 avril 2011», lit-on dans un communiqué de la Cnae, diffusé sur Facebook. L'itinéraire est tout désigné: «De la Grande Poste vers le Palais du gouvernement». L'appel est lancé aux étudiants des différentes universités algériennes. S'ils répondent présent, quelle serait la réaction des autorités? La matraque? On ne le sait pas encore. A la Présidence, leur rassemblement s'était terminé dans le calme. La crème de la société ouvrira une nouvelle page de la contestation nationale. Les résidents entament une grève illimitée à partir de demain. Cette grève touchera tous les centres hospitalo-universitaires du pays. «Le message de ce débrayage s'adresse à l'ensemble de l'Exécutif», a indiqué, hier, le Dr Mohamed Sahnoune, porte-parole du Collectif autonome des médecins algériens (Cama), joint par téléphone. Le Dr Sahnoune a dénoncé la fin de non-recevoir réservée par la tutelle à leurs revendications. «Nous n'avons reçu aucune invitation officielle de la part du ministère de la Santé», a-t-il regretté. L'action des résidents bénéficie du soutien du Conseil de l'ordre des médecins (COM). Réélu récemment à la tête du COM, le Dr Mohamed Bekkat a mis en demeure les autorités d'apporter des solutions concrètes aux revendications du personnel médical et paramédical. Devant les tergiversations du ministre Djamel Ould Abbès, les paramédicaux renouent avec la grève illimitée à partir du 11 avril prochain. «Nous avons recouru à ce moyen de protestation car nous n'avons reçu aucune réponse concrète à nos revendications», a annoncé, hier, Lounès Gachi, secrétaire général du Syndicat algérien des paramédicaux (SAP). La contestation s'amplifie. Et les sit-in se multiplient devant la présidence de la République. Hier encore, la Présidence a fait face au mécontentement des enseignants contractuels, des victimes du terrorisme et des militaires radiés. L'absence de réponse concrète aux différentes revendications exprimées attise les feux de la colère. Le mois d'avril sera celui de la contestation par excellence. Les étudiants occuperont la rue et les hôpitaux seront à l'arrêt. En plus, ce mois sera porteur de dates marquantes de l'histoire du combat du peuple pour la démocratie. C'est le cas du 20 avril. Cette journée hautement symbolique rappelle le Printemps berbère et les événements douloureux de 2001, en Kabylie. En outre, l'Algérie n'est pas à l'abri d'un coup d'accélérateur de l'Histoire semblable à celui que connaissent les pays du Maghreb et du Moyen-Orient. La société gronde. Elle revendique des réformes sociopolitiques profondes. C'est le cas des enseignants de l'Université des sciences et technologies Houari-Boumediène (Usthb) qui oeuvrent pour la tenue «des assises de l'Université algérienne». Le président de la République a annoncé des «réformes politiques», le 19 mars dernier, à l'occasion du 49e anniversaire de la fête de la Victoire. Cette annonce laisse entrouverte la porte du changement. Des partis et personnalités politiques, à l'image du président du FFS Hocine Aït Ahmed, et de l'ancien secrétaire général du FLN Abdelhamid Mehri, ont proposé une feuille de route pour «un changement radical et pacifique». Ce changement passe par l'élection d'une Assemblée constituante. Cette option a essuyé le refus du FLN et du RND, partis majoritaires au Parlement. Reste à savoir quel contenu donnera le président de la République aux «réformes politiques» qu'il a annoncées.