C'est au niveau de la première institution du pays qu'est la Présidence de la République que les frondeurs ont élu domicile pour protester. Les mouvements de protestation en Algérie se multiplient pour toucher presque toutes les corporations. Pour se faire entendre, les mécontents descendent dans la rue en organisant des marches, des rassemblements, des sit-in, ou des meetings, de préférence dans la capitale. Or, les forces de l'ordre affrontent, à chaque fois, les mouvements de protestation en usant de la répression pour empêcher tout mouvement sur la voie publique, notamment à Alger où les actions de rue sont toujours frappées du sceau de l'interdiction. Le rassemblement du Comité national pour la défense des droits des chômeurs, prévu le 20 mars dernier à la place des Martyrs, a été tout simplement annulé à cause du bouclage hermétique du périmètre par les services de sécurité. Les chômeurs ont délocalisé le lieu de rassemblement en rejoignant le siège de la présidence de la République pour tenir leur action, à côté des enseignants contractuels et des ressortissants algériens rentrés de Libye. C'est donc au niveau de la première institution du pays qu'est la présidence de la République que les frondeurs ont élu domicile pour protester. Les enseignants contractuels qui entament aujourd'hui le quatrième jour de sit-in ont été, eux aussi, brutalisés par les forces de l'ordre qui tentaient de les déloger. Le même traitement est réservé aux marches de chaque samedi de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (Cncd). Les agents de l'ordre ont empêché jusque-là toutes les tentatives de marche de cette Coordination, que ce soit la place de 1er-Mai, à la place des Martyrs, à Hussein Dey, à Aïn Benian ou à El Madania. Une autre marche est prévue samedi prochain par la même organisation et la question de savoir comment les forces de l'ordre vont l'aborder se pose déjà. Les étudiants qui ont organisé plusieurs sit-in de protestation devant le ministère de l'Enseignements supérieur et de la Recherche scientifique ont fait, comme les chômeurs, l'objet de matraquage des policiers. Un sit-in improvisé, par la suite, devant la présidence a été toléré. Les étudiants, réunis autour de la Coordination nationale autonome des étudiants (Cnae), envisagent d'organiser une grande marche à Alger durant la première semaine de la reprise des cours le 3 avril prochain. Là aussi, la question du comportement des forces de l'ordre avec cette marche et les actions de rue à venir se pose: vont-elles donner une suite à la levée de l'état d'urgence ou plutôt, garderont-elles la capitale zone interdite aux protestataires. Cela étant dit, il est à souligner que d'autres sit-in et rassemblements, notamment devant l'Assemblée populaire nationale (APN) ont été quelque peu tolérés. Il s'agit du rassemblement des gardes communaux le 7 mars dernier et des multiples rassemblements des familles des disparus et des victimes du terrorisme devant la même institution parlementaire. Hier, ce sont les fonctionnaires de la Cnma qui ont tenu un rassemblement à Alger-Centre. Parallèlement à ces mouvements de protestation sur le terrain, la société algérienne se «recompose» dans des mouvements qui sont nés à la faveur des évènements qui se produisent au niveau local, régional et international. Ainsi en est-il de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (Cncd), l'Alliance nationale pour le changement (ANC), toutes les deux composées de partis politiques et d'organisations de la société civile et le Front national pour le changement (FNC) qui regroupe des personnalités politiques et intellectuelles. Les corporations ont, elles aussi, ressenti ce besoin d'encadrement. Les étudiants ont créé la Coordination nationale autonome des étudiants (Cnae), les médecins résidents ont mis en place le Collectif national des étudiants résidents tandis que les chômeurs ont créé le Comité national pour la défense des droits des chômeurs. Mêmes les jeunes ne sont pas en reste de cette dynamique. De différentes tendances, un groupe de jeunes dont l'âge ne dépasse pas la trentaine, ont créé récemment le Mouvement des jeunes indépendants pour le changement (Mjic) dont la mission est d'accompagner et de soutenir les mouvements sociaux.