Ahmed Ouyahia, Premier ministre, a jeté un pavé dans la mare: «Où va l'argent du pays?» s'est-il interrogé. Les barons du marché informel de la devise dictent leur loi. Le taux de change de l'euro sur le marché parallèle dépasse 140 DA. Les citoyens se plaignent de la pénurie de devises qui se font de plus en plus rares au niveau des banques. Les bureaux de poste sont en panne de monnaie nationale. Ce constat n'est pas nouveau. Les retraités, qui encaissent leurs pensions en devise dans les guichets de la Banque de l'agriculture et du développement rural (Badr), ont souffert le martyre. Depuis l'année écoulée, les clients de la Badr étaient obligés de «patienter» durant des mois pour espérer toucher la moitié de leur pension. Le manque de liquidités dans les bureaux de poste est devenu une coutume. Cette situation persiste depuis plus de deux ans. Le gouvernement a beau essayer d'avancer des justificatifs quant à cette pénurie et les nombreux et divers arguments avancés par le ministre de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication sont loin d'être convaincants, selon les experts financiers. Moussa Benhamadi a, maintes fois, expliqué que les bureaux de poste sont surchargés et ils n'ont pas pu répondre à la demande. «Cette situation s'explique par deux facteurs. Le premier est lié aux augmentations enregistrées dans les salaires et le paiement avec effet rétroactif de certains fonctionnaires et la seconde est que la majorité des versements des fonctionnaires se font à la même date, à savoir la fin du mois.» Le gouvernement avance les raisons, mais il peine toujours à trouver des solutions. Ce marché échappe, semble t-il, au contrôle de l'Etat. Ahmed Ouyahia, Premier ministre, évoque l'existence de la mafia financière. Pour M.Ouyahia, elle est à l'origine même du manque de liquidités au niveau des bureaux de poste. «La Banque d'Algérie a augmenté en octobre dernier l'émission de billets de banque de 10 à 18 milliards de DA par jour (...) Les fonds émanant des centres de chèques postaux ont, quant à eux, augmenté de 250%», a-t-il rappelé, lors de son passage à la Télévision nationale, il y a dix jours. Et de s'interroger: «Où va donc cet argent?» La question est posée. Une telle interrogation émanant du patron de l'Exécutif est loin d'être une simple reconnaissance ou un aveu d'échec. C'est cette même question que posent les experts et les simples citoyens. Où va cet argent? En attendant que le gouvernement trouve une réponse à ce questionnement et surtout une solution à cette problématique, M.Ouyahia accuse la contrebande et le commerce illicite d'être à l'origine de la surévaluation de la devise sur le marché parallèle. Le taux de change a atteint les 140 DA pour un euro, alors que les établissements financiers posent sérieusement le problème de pénurie de la devise. Selon les observateurs, rien ne justifie une telle surévaluation. L'augmentation du taux de change dans l'informel intervient, entre autres, dans des conjonctures assez particulières. En effet, à l'approche de la saison du pèlerinage et des vacances de fin d'année, le taux de change enregistre une surévaluation. A quelques mois de la saison estivale qui sera marquée par le retour des émigrés, le marché informel de la devise est censé connaître une forte baisse. Le gouvernement a pris quelques mesures pour mieux contrôler la circulation de cette monnaie. Il s'agit, notamment du durcissement des mesures de transfert de l'argent à l'extérieur ainsi que du renforcement des dispositifs douaniers au niveau des frontières. Cela suffit-il pour faire barrage à cette mafia financière? Les dispositifs de contrôle se doivent d'être renforcés. D'autres mesures doivent être prises en urgence, estiment les experts. Dans un autre registre, l'introduction, vers la fin du mois en cours, du billet de banque de 2 000 DA s'inscrit dans la politique de l'Etat de mieux contrôler le marché financier espérant trouver des solutions à la sortie de cette crise et faire face, entre autres, à la menace de l'informel sous l'emprise des barons.