Les succursales de plusieurs banques publiques n'arrivent plus à assurer à leurs clients l'achat de devises, comme l'euro et le dollar, mais surtout l'euro. La raison : pénurie des imprimés et manque de liquidités. Parallèlement, au marché informel, les cambistes dictent leur loi. C'était prévisible : l'euro a atteint la barre de 141 DA (petites sommes) et 142 DA (grosses sommes) à la vente et 140 et 145 DA à l'achat au marché informel. Cette flambée “voulue” et “dictée” par une conjoncture politique et économique du pays n'est pas sans conséquence sur les lobbies de l'économie informelle aux abois depuis que la Banque d'Algérie a décidé de prendre des décisions restrictives pour faire face à un trafic à grande échelle qui obéit à la seule logique d'une fuite des capitaux avérée. D'autres mesures ont également été prises, à titre de rappel à l'ordre, à tous les niveaux pour contrôler le flux de devises en circulation. Ainsi, dans les aéroports comme dans les ports, et au niveau des frontières terrestres, les services des douanes exigent systématiquement la somme à déclarer et les documents y afférents. Faute de quoi, le détenteur d'une somme supérieure à 500 euros, sans justificatif, sera soumis à la réglementation en vigueur. C'est-à-dire la saisie de l'argent et le paiement d'une amende. Et au pire des cas, si la somme est supérieure au seuil toléré, le mis en cause sera traduit devant la justice. Lundi dernier, la tension était perceptible au marché de la devise. Les cambistes guettaient les passants à la chasse à l'euro. Le dollar, autrefois très demandé, n'est pas aussi sollicité que la monnaie européenne. Au niveau des succursales de plusieurs banques publiques, les chefs d'agence n'arrivent plus à assurer à leurs clients l'achat de devises, comme l'euro et le dollar, mais surtout l'euro. Evoquant la pénurie des imprimés spécifiques et exclusivement délivrés par la Banque d'Algérie et le manque de liquidités, les banques observent une panne sèche dans le change. Dans certaines succursales, les tableaux électroniques de change de monnaies étrangères sont carrément éteints. Parallèlement, au marché informel, les cambistes dictent leur loi et les lobbies passent à la vitesse supérieure pour glaner le maximum de devises. Du tac au tac, la mère des banques, sur instruction du ministère des Finances et du gouvernement, impose un filtre pour juguler le phénomène. D'où la crise de “la Bourse d'Alger” et la panique qui s'en est suivie dans le segment de l'import-import. À en croire certains cambistes rencontrés au square Port-Saïd, “cette flambée ne va pas s'estomper dans l'immédiat. Il y a une véritable crise de liquidités chez les clients habituels qui préfèrent la rétention de la monnaie au lieu de la mettre sur le marché. En outre, il y a de grands réseaux basés dans les capitales européennes qui interceptent de grosses sommes et les achètent à prix fort. C'est-à-dire que le change est déjà fait à notre détriment. Il y a quelque temps, on refusait le change des devises en pièces. Aujourd'hui, on accepte tout. Pourvu qu'on maintient le cap”, nous avoue un cambiste vraisemblablement au fait des cours de l'euro. Selon notre interlocuteur, les nouveaux cours de devises sont praticables même dans les contrées éloignées du pays à travers les circuits du marché informel. “Autrefois, les gens préféraient venir à Alger car le cours de l'euro est assez élevé. Avec la crise, on retrouve le même taux de change partout en Algérie”, nous dira encore notre interlocuteur. Lors de sa prestation télévisée, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, avait abordé la surévaluation de la devise sur le marché parallèle en pointant du doigt “la contrebande et le commerce illicite”. Il avait alors précisé que l'Etat ne pouvait pas déclarer une guerre frontale contre cette pègre préconisant, du coup, un démantèlement progressif des filières de trafic de devises et de fuite des capitaux. Le message passé, la Banque d'Algérie, en première ligne, ferme les vannes non sans causer des dégâts collatéraux en privant des citoyens du droit au minimum de change toléré par la loi. Du discours à la méthode, l'étau semble se resserrer sur les lobbies de l'euro. Place à la fermeté, mais surtout à la transparence… FARID BELGACEM