L'euro explose dans le marché de la devise. Avant-hier, le seuil fatidique des 14.000 dinars pour 100 euros a été dépassé. Selon plusieurs experts, les transactions en devises sur le marché parallèle dictent les cotations «réelles». L'euro explose dans le marché de la devise. Avant-hier, le seuil fatidique des 14.000 dinars pour 100 euros a été dépassé. Selon plusieurs experts, les transactions en devises sur le marché parallèle dictent les cotations «réelles». Retour sur un marché florissant qui influe substantiellement sur l'économie nationale. Chez les cambistes du centre ville d'Oran, comme ceux de M'dina J'dida, on échangeait, jeudi, 1 euro pour 140 dinars. Pour rappel, durant la première quinzaine de janvier, dans une banque publique, l'euro valait 108,09 dinars à la vente et 101,83 à l'achat, alors que le dollar revenait à 77,29 dinars à la vente et 72,84 dinars à l'achat, soit une légère baisse, par rapport aux cotations des semaines précédentes où 1 dollar US avait atteint les 80 DA. D'après un expert, dans une économie dominée par l'informel, le marché parallèle de devises en dit long sur les mécanismes de l'état actuel de la conjoncture économique. Notre interlocuteur, un cadre d'une banque publique de la place d'Oran, a tenu à expliquer qu'on entend par marché réel des devises, les indices de change sur le marché parallèle. Autrement dit, ce sont les cambistes opérant sur les places des grandes villes du pays, avec des cotations quotidiennes, qui offrent des indices de taille sur l'économie, à l'encontre de la cotation hebdomadaire du taux interbancaire réalisée par la Banque d'Algérie. A ce sujet, notre banquier expliquera que «dans la réalité des faits, ce n'est ni le marché interbancaire ni la valeur réelle du dinar qui définissent ces cotations décidées de manière administrative, selon les critères d'équilibres macroéconomiques, de protection de l'économie nationale». Et de poursuivre que «les cotations qui se rapprochent le plus de la vérité et de la réalité du marché financier, a contrario, ce sont celles quotidiennes, qui se déroulent sur les places informelles où opèrent des cambistes indépendamment du circuit bancaire». Ce marché existe dans toutes les villes algériennes, moyennes et grandes. Les cambistes ont ouvert boutiques sur les grandes artères, au su et au vu de tout le monde. Chez les deux cambistes, mitoyens du Centre ville, 1 euro était proposé avant-hier et hier à 140 dinars, à la vente et 138 dinars à l'achat, alors que le dollar était proposé respectivement à 105 et 110 DA. «La différence entre le taux officiel des banques et le taux du marché informel se situe, pour la vente comme pour l'achat, à environ 20% en moyenne», apprend-on auprès d'un cambiste, qui ajoute que «ceci est appréciable pour le vendeur, mais ça l'est moins pour l'acheteur». Enfin, l'avantage est que l'euro, comme le dollar, sont toujours disponibles dans ces circuits informels, à l'inverse des banques officielles qui pâtissent toujours des pénuries de devises». Idem pour les cambistes algérois du square Port-Saïd : 1 euro est cédé à 140 dinars depuis avant-hier. Au lendemain du 18 janvier, 1 euro valait 132 dinars, enregistrant une décote de 0,8 dinars en 24h, après les jours d'émeutes à Bab El Oued. Les grands commerçants sont les clients potentiels Les grands commerçants, les négociants de «l'Import/Import» sont les clients potentiels. Ils achètent de grandes quantités pour leurs gros besoins en euros. D'après des cambistes, ces grands bonnets de l'informel viennent avec des sacs («chkara», littéralement la bourse) pleins de dinars. Ainsi, de grosses sommes sont ainsi véhiculées dans ce marché…parallèle. D'après un cambiste algérois, à lui seul, il «vend» en moyenne plus de 100.000 euros quotidiennement. Au niveau du square Port Saïd on traite plus d'une dizaine de millions d'euros par jour. D'après nos interlocuteurs, les billets de 500 euros sont très prisés chez les grands nababs de l'informel, parce qu'ils occupent très peu de volume. Ces grosses coupures sont réservées à ces commerçants au niveau des banques monnayant un….pot de vin, a-t-on appris. Pourtant, les services douaniers affirment que la loi autorise les Algériens à sortir jusqu'à 7.000 euros, pour peu qu'ils puissent justifier d'un compte devises en Algérie. Au-delà de cette somme, les spécialistes de l'informel, importateurs et contrebandiers, achètent leurs devises sur le marché informel. Toutes ces sommes importantes de devises en circulation, non contrôlée, viendront s'incruster dans le circuit informel qui, à son tour, influe sur l'économie réelle et même sur le pouvoir d'achat des citoyens et, de cette façon, pesant sur les décisions du gouvernement, comme l'ont démontré récemment les évènements qui ont contraint les pouvoirs publics à supprimer certaines taxes: 17% TVA, 5% de taxes douanières, et 19% du BIC. Comment est alimenté le marché des devises ? Les opérateurs économiques usent de la plus ancienne combine au monde, celle de la surfacturation, affirme-t-on. En effet, ils gonfleraient la valeur déclarée de leurs importations pour partager le pactole devises avec leurs fournisseurs étrangers, apprend-on. Nos interlocuteurs affirment que les grosses sommes se trouvent chez les opérateurs qui détiennent une domiciliation bancaire destinée à des opérations avec l'étranger, et que certains recourent à la plus vieille falsification connue, celle de la surfacturation, doublée de fausse déclaration de valeur en douane, pour «rafler» des devises. Tout cet argent servira à payer donc des marchandises en espèces, sans contrôle, et donc à noyer le marché informel, sans laisser de trace. Les cambistes affirment recevoir sur des comptes privés en devises, des versements à partir d'Europe, des sommes de 10.000 et plus. Toutefois, ce genre d'opération directe est moins bien rémunéré (pour celui qui offre ses devises) que le cash. Naturellement, puisque le cambiste est contraint d'attendre plusieurs mois pour que son compte soit provisionné, note-t-on. Même s'il devient de plus en plus difficile et dangereux de tenter de passer avec des quantités importantes de billets de banque par les frontières terrestres, maritimes ou aériennes, la fuite des devises continue, assure-t-on. Les dernières affaires démasquées affirmant l'existence de réseaux de trafic de devises, via les ports et les aéroports ont, semble-t-il, dissuadé certains fraudeurs mais pas tous. Persiste encore les fournisseurs occultes, des seigneurs de la devise importants qui influent sur le marché informel. Aussi, les pensions des retraités de France ainsi que les émigrés algériens dans le monde, approvisionnent le marché informel. Toutefois, leur apport n'est pas aussi important. In fine, il faut savoir que dans les villes du Sahara, les commerçants «formels » et informels préfèrent le dinar algérien. A Tamanrasset, la cotation de l'euro ou autre devise est nettement inférieure à celle des villes du Nord.