Paris campait hier sur ses positions dans son différend avec Rome au sujet des Tunisiens débarquant en Europe, après avoir provoqué l'ire de l'Italie en bloquant un convoi de migrants mais reçu le soutien de la Commission européenne. La décision française de suspendre dimanche pendant quelques heures la circulation des trains depuis Vintimille (Italie), alors qu'un convoi de migrants tunisiens accompagnés de militants français et italiens allait traverser la frontière, a fâché Rome, qui a protesté contre une «violation des principes européens». «La France ne souhaite pas» de tensions avec l'Italie, a déclaré lundi le ministre français de l'Intérieur, Claude Guéant, en marge d'une visite à Bucarest. Mais, a-t-il insisté, «nous faisons une application à la lettre et dans l'esprit des accords» de Schengen dans le dossier des migrants tunisiens. «Une ombre» plane sur les relations franco-italiennes, dont «il faudra ressortir en réaffirmant la volonté de l'Italie et de la France de travailler ensemble, en tant que pays fondateurs de l'Union européenne», a, de son côté, estimé le chef de la diplomatie italienne, Franco Frattini, dans une interview à la Repubblica (gauche). La tension monte depuis une dizaine de jours entre Paris et Rome qui, confronté à un afflux de plus de 20.000 Tunisiens depuis janvier, a décidé de leur délivrer des permis de séjour temporaires valables dans tout l'espace Schengen pour qu'ils puissent rejoindre «amis et parents» en France et ailleurs en Europe. La France s'est irritée de cette initiative, ralliant plusieurs autres pays européens à sa cause, et a martelé qu'elle ne laisserait passer que les migrants disposant d'un passeport et de ressources suffisantes. Dans ce dernier rebondissement, Paris a de fait reçu hier le soutien de la Commission européenne qui, dans une première analyse, a estimé que les règles de Schengen avaient été respectées, selon un membre des services de cette institution. Paris a justifié la suspension de la circulation des trains par des risques de désordre public, en raison de la présence de manifestants voulant accompagner en France les immigrés tunisiens. La Commission européenne a relevé que la mesure de suspension du trafic avait été «temporaire» et n'avait «pas été au-delà du strict nécessaire». Côté italien, l'épisode a été mal vécu: «Paris gifle Rome», titrait en Une La Repubblica, dénonçant l'affrontement de «deux populismes», italien et français. «C'est un peu facile pour l'Italie d'être généreuse avec le territoire des autres», a répliqué en France Christian Estrosi le député-maire du parti au pouvoir UMP de Nice (près de Vintimille, sud-est). Le Parti socialiste français a pour sa part dénoncé une décision «pas acceptable» et fustigé «les égoïsmes qui se développent en Europe». «La France, qui joue perso, a une politique qui détériore ses relations avec ses voisins», a estimé le député PS Jean-Marie Le Guen. «Nous travaillons naturellement avec l'Italie, tous nos partenaires et les institutions européennes, ainsi qu'avec les pays d'émigration, pour trouver des solutions durables, conformes au droit et à la dignité des personnes, aux tensions migratoires que nous connaissons actuellement», a assuré le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Bernard Valero lors d'un point de presse. La tension franco-italienne intervient au moment où le discours du gouvernement français se durcit sur l'immigration, à un an de la présidentielle de 2012, sur fond de montée du Front national (extrême droite) et d'impopularité record du président Nicolas Sarkozy. Outre la lutte contre l'immigration clandestine, la France entend aussi diminuer l'immigration légale.