Un film tendre et personnel qui porte un regard franc et sincère sur l'immigration des Subsahariens en Algérie. Alger, l'été. Dans la fournaise de la ville, alors que le Panaf de 2009 bat son plein sans doute - on ne le voit pas- des fantômes errent dans la ville. Pourquoi ne font-ils pas eux aussi, la fête? Pourtant, l'Afrique s'est parée de ses plus beaux atours et est revenue pour la seconde fois après 40 ans célébrer sa vaste lumière et sa pseudo-renaissance sur l'échiquier mondial. Comme dans une Algérie parallèle, une mosaïque de jeunes gens tente de survivre. Ibrahim, Adam, Moumen et Ismael, venus d'Afrique subsaharienne, sont ouvriers du quotidien. Deux réalisateurs algériens, Hassan Ferhani et Nabil Djedouani, sont allés à leur rencontre. Des instants de vie partagés à leurs côtés où la caméra va nous révéler une partie de cette Algérie qu'on tend à ignorer ou rejeter dans les oubliettes. Derrière les chiffres de l'immigration clandestine, il y a des lieux, il y a des hommes. Ce sont des Maliens, Camerounais. Congolais, etc. qui ont cru trouver l'eldorado en venant s'installer en Algérie. Il y en a qui tiennent l'ascenseur (l'Aérohabitat du Télemly), d'autres sont cordonnier, ou artisan. Ils vivent «comme dans une bulle» enfermés sur eux-mêmes comme dans une cage et coupés du reste du monde. Leur seul contact avec l'extérieur se trouve sur le trottoir du quartier où il travaillant. Ils sont plusieurs à cohabiter parfois dans une chambre d'hôtel. Son nom? Afric hôtel d'où le titre de ce documentaire au rythme pesant qui s'écoule lentement, réglé par le travail redondant et monotone de ces gens et suintant l'ennui. Le temps est comme une horloge qui s'est arrêtée dans un espace froid et lugubre, teinté néanmoins de sourire et de lueurs d'espoir... Derrière des images obscures de solitude et de béton, on y devine pourtant des âmes humaines qui errent comme des funambules dans une ville morte. Les réalisateurs qui ont souhaité «questionner l'africanité des Algériens» dénoncent en filigrane, surtout l'ignorance de ces derniers vis-à-vis de leurs semblables- ces hommes de couleur plus foncées- en portant sur eux souvent des regards hautains et «racistes». Même si le racisme ne s'affiche pas au premier degré dans le film, c'est plutôt la méconnaissance de l'autre qui est soulignée... Dans une chambre où l'on perçoit ces hommes au milieu de la nuit, le son est coupé, la caméra fait intrusion dans leur vie. Silence on tourne. Voix off, on a oublié d'allumer le bouton de la caméra. Pas de chance. Et pourtant, le résultat est surprenant tant le rendu renvoie exactement à cette notion d'obscurité que l'on ressent souvent en nous-mêmes emportant notre «crasse» de malheur, partout et tirant sur notre carcasse bien fatiguée. Ames vagabondes, déambulation dans un couloir... à la recherche de soi-même. Quelqu'un connaîtrait-il l'issue? Filmer de dos ne veut pas forcément regarder l'espoir devant soi. C'est cette «vérité crue» qui est traduite par ce flux d'images un peu saccadées, cadrées fiévreusement ou longuement immobiles, imputant à ce film un je-ne-sais-quoi de clair obscur qui contraste avec la chaleur dehors... Un sombre destin que nos réalisateurs finissent par métamorphoser en ces notes de jazz mélancoliques qui disent toute la cruauté existentielle de cette communauté d'individus qui vivent en marge de la société, mais le sourire toujours aux lèvres avec fierté. Finalement, la réussite de ce documentaire - projeté mercredi dernier au CCF d'Alger - réalisé sans grands moyens résiderait, non pas dans le visuel qui nous laisse un peu sur notre faim, mais dans les sensations que procure finement ce hors champ qui, parfois, en dit long sur la réalité. Une réalité mirage qui se donne à voir et à ressentir comme un poème au goût d'orange amère. Et puis cette dernière séquence: marcher sur un quai vide flanqué de ses containers. Des images qui ne sont pas loin de nous rappeler les atmosphères vaporeuses et mystiques qui règnent dans les films de Tarig Teguia si chers à Hassen Ferhani (auteur du court métrage les Baies d' Alger 2006)... Mais où va cet homme? Et Si Afric Hotel n'était finalement qu'un film sur la souffrance humaine souvent tue?