La décision française remettrait en cause l'essence même de cette convention, ainsi que l'existence de l'Union européenne. Pour faire face à l'afflux de migrants venus de Libye et de Tunisie, la France envisage de suspendre provisoirement les accords de Schengen permettant la libre circulation des personnes, a-t-on appris vendredi de source élyséenne. Une décision qui risque de changer la donne ainsi que le paysage géopolitique, tant européen qu'international. La France se serait-elle perdue dans son élan, en voulant accaparer le rôle de première «puissance européenne»? Le rétablissement des frontières internes de la France au sein de l'Union européenne n'est certainement pas la solution adéquate à ce problème, c'est même la dernière chose à faire. Dans un contexte d'une Union qui se veut fusionnelle, surtout que le président Sarkozy se considère comme étant l'un des pères fondateurs de ce projet, auquel il tient particulièrement, rien de pire que de ne pas se montrer solidaire avec ses partenaires. La suspension de l'application des accords de Schengen signifierait concrètement le rétablissement d'une frontière et la fin de la libre circulation des personnes, droit fondamental garanti aux citoyens de l'Union européenne depuis 20 ans. La coopération européenne a permis l'élaboration progressive d'un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures. Ce n'est pas en brisant cette unité que la France apportera une réponse à l'afflux ponctuel des migrants. Cette décision unilatérale, même si elle est seulement envisagée par Paris, représente une offense aux autres pays de l'Union européenne. Pis encore, cette décision remet en cause l'essence même de la convention Schengen, et par conséquent, l'existence des piliers de l'Union européenne, ainsi que la continuité de l'application de tout accord, bilatéral soit-il où multilatéral, impliquant la France. Effectivement, et de par sa nouvelle tendance à vouloir imposer ses visions et de se démarquer de ses partenaires européens, et spécialement dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité, la France finira par engendrer l'implosion de l'Union européenne. Cette décision hâtive, qui ne représente en réalité qu'une solution à court terme au problème de l'immigration dans l'espace européen, apporte la preuve que la France ne cherche qu'à servir et protéger ses propres intérêts. Son discours sur la citoyenneté européenne, et sur la promotion d'une culture européenne commune, d'un avenir commun (...) n'aura plus aucun impact socio-politique, qui jusque-là, a joué un rôle décisif lors des différentes crises, notamment bancaire et financière, qu'a connues l'Europe et qui remettaient en cause l'existence de cette «Union». L'impact politique est de rigueur, car les membres de l'Union européenne vont, sans aucun doute, se mobiliser contre ou pour cette décision, ce qui va entraîner une crise sans précédent au sein du Conseil européen et de toutes les institutions politiques qui assurent le fonctionnement de l'Union. N'oublions pas non plus l'impact de cette décision sur les citoyens de l'Union qui risquent de se mobiliser contre le narcissisme de la France et peut-être même revendiquer la suspension de tout accord avec cet Etat.