La France de Sarkozy ne sait plus où donner de la tête avec ses contradictions. La France des droits de l'Homme ne cadre vraiment plus ni avec «ses» débats sur la laïcité, ni sur ses «Français d'origine étrangère», encore moins sur la nouvelle problématique des immigrants qui arrivent de Tunisie et de Libye. La France jette une confusion sans précédent entre les Etats signataires des accords Schengen. Des accords qui stipulent que la circulation reste libre entre les Etats signataires. Pourtant à la première crise sérieuse, la France réfléchit à un renforcement de la clause de suspension provisoire de Schengen concernant ses frontières avec l'Italie, jugeant la gouvernance de cet accord actuellement «défaillante». «La gouvernance de Schengen est défaillante [...] Ce qu'il nous semble, c'est qu'il faut réfléchir à un mécanisme qui permette, lorsqu'il y a une défaillance systémique à une frontière extérieure (de l'Union européenne), d'intervenir en prévoyant une suspension provisoire, le temps que la défaillance soit réglée», a affirmé la présidence française. Une décision française qui va à contresens des termes de l'accord qui ne prévoit nullement une telle suspension. Selon le code Schengen, seule une «menace grave pour l'ordre public ou la sécurité intérieure» peut «exceptionnellement» justifier la réintroduction du contrôle aux frontières, durant une période limitée d'une durée maximale de trente jours, éventuellement renouvelable tant que la menace subsiste. Or, aujourd'hui, ce n'est nullement le cas. Ce dossier de l'immigration est l'un des points le plus sensible du sommet franco-italien qui se déroulera mardi prochain à Rome, avec le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi et le président français Nicolas Sarkozy. Paris avait suscité la colère des Italiens en suspendant la circulation des trains depuis la ville italienne de Vintimille vers le sud-est de la France, dimanche dernier, estimant qu'un train avec à bord des manifestants voulant accompagner des immigrés tunisiens posait un risque de trouble à l'ordre public. La France semble toutefois irritée par le fait que l'Italie ait décidé d'octroyer des permis de séjour de six mois aux plus de 20 000 Tunisiens arrivés sur ses côtes depuis janvier, pour rejoindre «amis et parents» en France et ailleurs en Europe. Elle avait souligné que les ressortissants étrangers auxquels l'Italie donne des autorisations provisoires devaient montrer qu'ils disposent de ressources financières pour séjourner dans le pays de deuxième séjour et pour rentrer chez eux ensuite. «Si l'on veut sauver Schengen et sortir de la crise par le haut, il faut renforcer la gouvernance de Schengen, donc se doter d'outils», affirme de hauts responsables français. Parmi ces outils, la présidence française préconise de «renforcer Frontex» (agence européenne de surveillance des frontières), ou encore de «réfléchir à un mécanisme de clause de sauvegarde». Cela signifie, selon l'Elysée, que «lorsqu'une frontière extérieure ne fonctionne pas, soit on la renforce, soit on s'interroge : ne faut-il pas rétablir de manière ponctuelle des contrôles aux frontières ?» a-t-on fait valoir. La Commission européenne, qui ne s'est pas exprimée jusqu'à cette semaine sur les frictions italo-françaises, a indiqué vendredi dernier ne pas avoir été «notifiée de cette intention» de la France de suspendre provisoirement Schengen. Son porte-parole Mark Gray a rappelé qu'une reprise temporaire des contrôles aux frontières devait être dûment argumentée. La France trouvera-t-elle l'argumentaire adéquat pour une telle situation ? G. H.