Des touristes européens ont l'habitude de visiter le Palais du Bey, attestant de son importance touristique et économique. «Le Mois du patrimoine n'est que paroles en l'air», a indiqué Mohamed Amar ajoutant que «si cela tient vraiment à coeur, le ministère de la Culture et ses directions locales doivent songer réellement à la prise en charge effective des sites historiques dont le Palais du Bey d'Oran et l'hôtel qui a abrité Napoléon III lors de sa visite à Oran». Faute d'une habitation décente, près d'une trentaine de familles, venues de toutes parts, n'ont rien trouvé de mieux que d'occuper illégalement depuis plusieurs années la partie stratégique du Palais du Bey d'Oran, l'accès principal, sans que ces dernières ne se soucient d'être expulsées un jour. La belle entrée, qui donne accès à la rue de Philippe, la place d'Armes et Sidi El Houari est obstruée, tandis que sa grande cour, qui est complètement dénaturée, dégage des odeurs nauséabondes, faute de nettoiement. Joyau architectural Les services locaux, sont décidés, semble t-il, à sauver ce riche héritage ottoman de la dégradation. Le Palais du Bey, est ce joyau architectural inédit qui a reçu les plus grands dignitaires arabes et européens. Le château, séparant l'actuel centre-ville et l'ancienne ville d'Oran a été construit sur une façade militairement stratégique donnant en même temps une vue imprenable sur la mer (le port d'Oran) et le jardin appelé Promenade de l'Etang. Le Palais est lié à plusieurs quartiers de la ville via plusieurs souterrains réalisés durant le règne du Bey «Ces tunnels de sauvetage sont aujourd'hui bouchés par le béton à cause de la réalisation de l'hôtel Châteauneuf», déplore-t-on. Malgré l'abandon total auquel il est livré, sa gigantesque ossature continue à résister aux aléas de la nature et à la bêtise humaine. Le Palais du Bey est devenu une escale importante et obligatoire des pieds- noirs et des touristes européens qui lui rendent visite à l'occasion de la célébration, chaque année, du Mois du patrimoine. Au-delà de son envahissement par ces familles, il est utile de retracer quelques repères fâcheux qui ont jalonné l'histoire du Palais du Bey. Les nombreuses effractions commises contre le Palais ne datent pas d'aujourd'hui. Durant les années 1980, les travaux de construction de l'hôtel Châteauneuf, près du Palais, ont été entamés sans aucune étude scientifique ni enquête de faisabilité, encore moins concerter les connaisseurs et les érudits de l'histoire. Selon quelques indiscrétions, la maquette initiale prévoyait même la réalisation d'une piscine à la place du Palais. Nos responsables envisageaient-ils sa démolition totale? «Affirmatif», ont-ils répondu. Le chantier, qui est à l'arrêt depuis 1986, a été immobilisé par les amoureux de l'histoire. Après l'arrêt des travaux, la masse géante de béton est restée, et continue à hanter l'esprit des Oranais et les férus d'histoire. Le bloc gris, dominant la ville de Sidi El Houari, continue de subir les affres du pouvoir local qui peine à trouver la forme juridique et administrative à donner à la bâtisse. Plusieurs esquisses ont été envisagées mais aucune solution n'a vu le jour. Dans un passé très récent, le Châteauneuf a été confié à la municipalité d'Oran. Les responsables municipaux ont, après moult réflexions, opté pour sa transformation en centre administratif. Un peu plus loin dans le passé, la Sonatrach a émis le désir de prendre en charge la bâtisse et la rattacher à ses services en vue d'en faire un centre important de son administration. Un premier accord a été même rendu public. La Scallera «Le saint Sidi El Houari et le bey d'Oran semblent avoir maudit tous ceux qui ont attenté à leurs domaines et leurs biens étant donné que toutes les perspectives qui ont été envisagées ont été un échec», se réjouit-on. La bêtise humaine n'en est pas à son premier coup. En effet, l'hôtel qui a abrité Napoléon III, lors de la visite qu'il a effectuée à Oran vers la fin du XIXe siècle, a été transformé en siège administratif des services de l'Opgi. Le complexe touristique des Andalouses est, selon plusieurs voix concordantes, construit sur un cimetière punique. «Des vestiges, et apparemment même des ossements humains, ont été découverts lors du lancement des travaux de la réalisation dudit complexe», indique t-on. La Scallera, ou la Calére, ce village espagnol des pêcheurs, situé sur les hauteurs du mont Murdjadjo, a totalement disparu. Le lieu, dit Le bassin, est transformé en une grande aire qui n'est d'aucune utilité. D'autres sites, comme la Porte de Canastel, subiront le même sort. Sidi El Houari Toutes ces histoires nous rappellent l'occupation, par plusieurs dizaines de familles, de la prison de Bal Hamra et du fort du Petit Sentant situés près du quartier les Planteurs. Le ventre du vieil Oran, Sidi El Houari, est en état de décomposition avancée. Ses murailles s'écroulent l'une après l'autre donnant image d'un véritable désastre. Dans ce désordre, l'association Bel-Horizons, tente tant bien que mal, de faire connaître aux visiteurs d'Oran le patrimoine culturel et historique que recèle la ville d'Oran et ce, en organisant, chaque 1er Mai de chaque année, une randonnée pédestre, vers le fort Santa Cruz et ce, en traversant le quartier de Sidi El Houari. Le département de Khalida Toumi, par l'intermédiaire de ses services locaux en charge de la restauration et de la protection des repères historiques, est, semble-t-il, très préoccupé par toutes sortes de besognes hormis celle de la prise en charge immédiate des dizaines de sites historiques qui retracent, avec détail, l'histoire riche de la wilaya d'Oran. De toute évidence, la restauration de tous ces sites est, dans les temps immédiats, chimérique, compte tenu du budget insuffisant, voire insignifiant, alloué chaque année au ministère de la Culture. A quoi sert donc la célébration, à coups de conférences-débats et randonnées, le Mois du patrimoine si ce dernier ne porte pas dans ses dimensions et recommandations la remise en l'état effective des sites et monuments historiques? D'autant que cet héritage est tellement porteur sur le plan économique.