L'annonce d'un futur procès survient dans un climat politique dominé par des appels à une grande manifestation demain place Tahrir au Caire pour que soient jugés «les symboles de l'ancien régime», en premier lieu M.Moubarak. L'organisation d'un procès ouvert et crédible pour l'ex-président Hosni Moubarak, qui a dirigé l'Egypte sans partage pendant trois décennies, pose des défis considérables à la justice dans un pays traversé de tensions et dirigé par l'armée, soulignent magistrats et juristes. «Ce procès d'un ancien président sera le premier du genre en Egypte, et c'est une source d'appréhension. Peut-il être juste? Ce sera assurément un test», estime Ahmed Mekki, vice-président de la Cour d'appel du Caire. Depuis l'ouverture d'une enquête contre lui, puis sa mise en détention préventive mi-avril, le sort de l'ancien président a donné le sentiment de fluctuer au gré de rapports de force entre le pouvoir et l'opinion. Malgré l'annonce mardi qu'il allait être déféré, ainsi que ses fils Alaa et Gamal, devant une cour criminelle, certains pensent que la mobilisation populaire doit rester forte pour éviter toute tentation d'escamoter le procès. «Le problème, c'est que dans cette affaire la justice n'avance pas grâce à la loi, mais en raison de la pression populaire», affirme Gamal Eid, un avocat spécialisé dans la défense des droits fondamentaux. «Cela renforce le sentiment que si les gens ne restent pas en alerte, il n'y aura pas de justice», ajoute M. Eid. L'annonce d'un futur procès survient dans un climat politique dominé par des appels à une grande manifestation demain place Tahrir au Caire pour que soient jugés «les symboles de l'ancien régime», en premier lieu M.Moubarak, lui même issu de l'armée. La participation à cette manifestation pourrait permettre de mesurer le degré de mobilisation sur ce sujet, et voir si l'annonce d'un procès de l'ancien raïs a permis ou non de calmer les esprits. M.Moubarak et ses fils sont accusés d'enrichissement illicite, et mis en cause dans les violences contre les manifestations anti-régime de janvier et février, qui ont fait officiellement plus de 800 morts. La date de l'ouverture de leur procès n'a pas encore été annoncée, et le lieu fait aussi l'objet de spéculations. Selon l'agence officielle Mena, il devrait se tenir au Caire, mais la cour pourrait aussi se déplacer à Charm el-Cheikh, sur la mer Rouge, où M.Moubarak, 83 ans, est placé en détention préventive dans un hôpital où il est soigné à la suite d'un malaise cardiaque. Pour Ahmed Mekki, un tel déplacement du tribunal serait sans précédent, mais «cela reste permis par la loi, par exemple pour des raisons de sécurité». «On va peut-être dire que M.Moubarak doit être jugé, mais seulement quand sa santé le permettra», s'inquiète pour sa part Gamal Eid. La justice égyptienne, à l'inverse de la police, a plutôt bien traversé la période du renversement de régime et des purges du début de l'année, et a conservé une certaine estime parmi la population. Mais elle a aussi ses détracteurs qui mettent en avant les jugements sévères prononcés contre des opposants au régime, et son rôle de maillon dans un appareil autoritaire autrefois dévoué au raïs. La justice égyptienne n'a également jamais été confrontée dans son histoire à la perspective d'un procès d'une telle ampleur, au cours duquel trente ans de pouvoir absolu pourraient être disséqués. Pour Mahmoud el-Khodeiry, un haut magistrat réputé réformateur, le caractère historique de ce procès tout comme les tensions auxquelles il risque de donner lieu plaident pour qu'il soit filmé et retransmis. «Il est nécessaire qu'il soit diffusé, parce que s'il reste secret, la population ne croira pas à l'intégrité de la procédure», souligne-t-il. Selon M. el-Khodeiry, le procès pourrait durer un an, «mais ce qui compte ce n'est pas le temps, c'est que les gens voient que la procédure est irréprochable».