L´immigration clandestine tient sur le qui-vive les Etats du pourtour méditerranéen qui s´inquiètent, de plus en plus, de l´afflux incontrôlé de milliers de candidats au «paradis» européen, souvent au risque de leur vie. L´Europe, jalouse de son confort, a déjà verrouillé ses frontières à triple tour et compte sur les pays de la rive sud pour qu´ils en fassent autant. Or, ces pays devenus eux-mêmes territoires de transit, ont à faire face, outre à cette affluence de migrants subsahariens, à leurs propres nationaux travaillés par la bougeotte. C´est, notamment le cas de l´Algérie et du Maroc, confrontés au double défi de retenir leurs nationaux tout en contenant la marée d´émigrants qui monte des profondeurs de l´Afrique. Cependant, la tournure prise ces derniers mois par l´immigration clandestine, comme en témoignent les événements de l´an dernier à Melilla (ville espagnole) au nord du Maroc où des centaines d´Africains ont subi l´enfer, ou encore ces dizaines de canots de fortune qui échouent systématiquement au large de l´île de Lampedusa en Italie, interpelle la conscience. L´image de ces embarcations faites de bric et de broc sillonnant la Méditerranée, tout en devenant un des labels de la grande bleue, rappelle quelque part les «boat people» vietnamiens dans la mer de Chine dans les années 70, ou leur équivalent des Caraïbes des années 80 qui ont vu des milliers de Cubains fuir Castro vers les rives de la florissante Floride. Ces «boat people» (gens dans des bateaux) sont devenus ces dernières années une réalité du grand lac méditerranéen, avec à bord des migrants qui essaient d´atteindre les rives du supposé éden européen, souvent, au prix de leur vie. Ces bateaux de fortune, surchargés et sans sécurité, sont aujourd´hui le cauchemar des autorités européennes, maghrébines et africaines, mais inquiètent plus les Européens que les Africains en vérité. Au Vietnam, au Cambodge, les gens fuyaient d´abord la guerre qui faisait des ravages. Que fuient ou que cherchent les Africains? Les fugueurs africains ont, en réalité, plusieurs raisons de vouloir mettre la mer Méditerranée entre eux et leur pays d´origine, pays où, à l´évidence, ils n´ont pas trouvé à se réaliser. Quand ce n´est pas la motivation économique qui pousse ces milliers de personnes à partir, quel qu´en soit le risque, ce sont les conditions politiques qui ne laissent que l´exil à ces nouveaux aventuriers de la mer. En fait, au manque de liberté et de déficit d´Etat de droit, que partagent en commun les pays africains, s´ajoute l´impossibilité de travailler qui est une des conséquences directes du sous-développement. Partir comment et avec quels moyens? C´est toute la problématique qui se pose aux «harraga» d´ici et d´ailleurs, les moins nantis des candidats au départ à la recherche de leur bonheur dans «l´ailleurs». Mais beaucoup de ces postulants, dans la majorité des cas, échouent dans leur tentative de rejoindre l´autre rive de la Méditerranée. Or, les boat people risquent fort de devenir «le problème» de ce XXIe siècle naissant et il ne suffira pas aux autorités de l´examiner sous le seul angle sécuritaire. Aussi, les répressions ne sont pas une solution à ces cas humains douloureux qui appellent un dénouement qui ne peut être que local et dans un cadre africain afin de redonner de l´espoir à ces milliers de personnes désespérées, mises en marge de la vie dans leur propre pays.